•                          Que de progrès à faire encore !

                             4 juillet 1949 - Voilà c'était terminé, ce petit attendu pendant de longs mois venait d'être rappelé, aussitôt arrivé...Épuisé, mort de fatigue...Il y avait 30 heures qu'il luttait pour voir le jour et que je le sentais vivre...Mais c'était un dimanche, dans une petite "clinique" tenue par une sage-femme, capable certainement...quand tout allait bien ! Elle n'avait pas appelé de médecin alors qu'il aurait fallu me conduire à l'hôpital et que mon mari et mes parents la suppliaient de le faire... Orgueil ou intérêt, ou les deux ? Le médecin arrivé pour constater le décès a déclaré "ce bébé ne devait pas mourir"... Je ne veux pas faire de misérabilisme...Nous avons eu tellement de peine, j'y pense encore. Mais lorsque j'ai appris quelques mois plus tard que la clinique (si clinique il y avait) fermait et quelques années après que toutes ces cliniques n'avaient plus le droit d'exister, j'ai été soulagée...J'ai pensé à toutes ces jeunes femmes qui avaient vécu le même drame, dont une amie de jeunesse, devenue par la suite marraine de ma fille, et qui avait elle aussi perdu son bébé dans les mêmes circonstances...Un dimanche...

                              Alors je repense à tous les progrès qui ont été faits en médecine depuis la guerre. Oh, je ne dis pas qu'il n'y a plus d'accidents, ça serait trop beau ! Mais les naissances "à risques" sont connues d'avance, et les hôpitaux et cliniques sont là dont le personnel est dévoué et fait son travail avec passion. Mettre un enfant au monde, aider la maman, quel merveilleux métier...Il n'est pas de tout repos, l'enfant ne prévenant jamais de son heure d'arrivée ! Tous les moyens sont prêts à servir en cas de besoin. Lorsque j'ai eu deux autres enfants après ce drame vécu en 1949, dès que je suis arrivée à l'hôpital où j'étais attendue et surveillée, je me suis sentie en sécurité. Les progrès ont été faits dans les techniques, les matériels, les façons d'agir, l'hygiène...Combien de femmes dans ma jeunesse, accouchaient à la maison...Il n'y avait pas ou presque de maternités...Des femmes mouraient "des suites de couches" comme on disait alors...Manque d'hygiène, manque de moyens...manque d'argent aussi puisqu'il n'y avait pas de sécurité sociale et que bien des gens appelaient le médecin quand...il était déjà trop tard ! Et puis il y a eu ces petites cliniques autorisées, tenues par des sages-femmes qui étaient loin de faire les études médicales qu'elles font maintenant. Ces cliniques, elles pouvaient être installées dans un simple petit pavillon et tenues par une sage-femme très dévouée souvent et très capable. Elle devait faire appel à un médecin ou à l'hôpital dès qu'une complication se présentait...Le problème était là... Trop sûre d'elle ou dans l'impossibilité de joindre un médecin, elle attendait un maximum de temps, et c'était souvent trop tard.

                                Tout ceci a été réglementé et les techniques aseptisées au sens propre comme au figuré ! Et c'est très bien ainsi. Le progrès a du bon...Médecins-accoucheurs, sages-femmes, font un magnifique métier. Ils se battent souvent pour qu'un tout petit souffle de vie devienne ce beau bébé qui se fait attendre neuf mois et qui pendant ce temps fait déjà tellement parler de lui...Quand j'entends dire qu'on va fermer un service de maternité dans un hôpital, parce qu'il n'est pas assez rentable, ça me fait bondir ! Il ne faudrait pas en revenir à ces pratiques anciennes des accouchements à domicile ou dans les petites cliniques non surveillées ou si peu...La rentabilité serait pour qui alors ? Sûrement pas pour les jeunes parents, quand tout s'écroule pour eux...

                                 "Rentabilité" quel vilain mot appliqué à la médecine !

                              

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  •                          De 1940 à 1944...

                             Les souvenirs sont faits d'un tas d'éléments : images, odeurs, bruits divers. Certains de ces éléments-souvenirs sont agréables et on aime qu'ils vous reviennent à l'esprit, d'autres sont détestables et on aimerait bien qu'ils ne se manifestent plus jamais ! Mais voilà, notre volonté n'y fait rien et n'y peut rien ! On se souvient, sans raison, parce qu'ils nous ont tellement marqués qu'il est impossible de les rayer de notre esprit à tout jamais ! C'est ce qui m'arrive à l'occasion notamment d'une émission de télévision, de la projection d'un film de guerre sur le petit écran, documentaire ou autre...

                              Ces bruits ? mais ce sont en tout premier lieu les bruits de bottes allemandes que l'on entendait pratiquement tous les jours à partir de juin 1940 et jusqu'à la Libération en août 1944, même pour certaines régions jusqu'en 1945... Bruits de bottes des patrouilles, des parades militaires accompagnées de chants guerriers, parades auxquelles Dieu merci nous n'étions pas obligés d'assister ! Mais les patrouilles, lorsqu'on les entendait, que l'on ait l'esprit serein ou pas, la peur nous envahissait...Ce claquement des talons était dur à supporter...L'arrêt brusque devant une porte, ces voix gutturales, tout ceci n'annonçait en général rien de bon...Il en fallait si peu pour se retrouver à la kommandantur ! Les "patrouilleurs" à bicyclette étaient peut-être les plus débonnaires, tout au moins, ils faisaient moins peur ! C'est peut-être beau une allure martiale, ça en impose...mais ça vous fait trembler !

                               Et à ce mauvais souvenir des bruits de bottes, se mêle peut-être encore le souvenir de la honte et de la peine ressenties en apprenant la défaite et l'occupation de notre pays. Comment accepter cette humiliation ? On aime être fiers de ce qu'on aime, tout comme on aime être fiers de ceux qu'on aime...Ce n'était plus le cas... Alors, le claquement des bottes était très mal venu !

                               Et pendant cette même période, pour tout arranger, nous avons eu droit au bruit des sirènes et des bombardements ! Je l'ai déjà raconté, le bruit des sirènes, je n'ai jamais pu oublier et encore maintenant, je déteste...trop de mauvais souvenirs y sont attachés ! La mémoire est tenace ! Mais alors, c'était pour notre salut...ça fait toute la différence...
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  •                          Faire des listes, et après ?

                             En 2003, nous avons eu la canicule et tout le monde ou presque se souvient des dégâts qui en ont résulté...Pertes de vies humaines, personnes âgées décédées seules chez elles...Ce fut une catastrophe à la suite de laquelle nos dirigeants d'alors ont crié haut et fort qu'il ne fallait plus jamais revoir ça. Et ils avaient raison. Alors, chaque commune a été priée d'établir la liste des personnes âgées résidant seules chez elles, sans famille autour. Ma commune n'a pas failli à cette injonction et a fait établir des listes : nom, adresse de la personne, personne à prévenir en cas d'accident etc.... le questionnaire est assez complet. Je me suis donc fait inscrire, ma famille étant "physiquement" loin de moi bien que présente moralement.

                              En 2006 je crois, quand il a fallu renouveler cette inscription, je l'ai fait à nouveau et j'ai timidement fait remarquer au Service social que personne ne s'était jamais inquiété de moi...ni d'autres personnes seules de ma connaissance. On m'a répondu qu'il avait été prévu simplement de faire des listes...mais que j'avais raison et que je pouvais m'adresser "plus haut" ! Ne jamais me dire ça ! J'ai téléphoné au Journal LE MIDI LIBRE qui préparait justement une enquête sur la canicule et m'ont recontactée la même journée. J'ai eu les "honneurs" de la presse locale, après enquête de ce journal...Il leur avait été confirmé qu'on prévoyait seulement d'établir une liste, ce qui avait été fait ! Et tout comme moi, la journaliste d'alors pensait que la liste ne servait pas à grand-chose si on ne surveillait pas un peu ... 2007 - 2008, même chose : inscription sur liste. 2009, réinscription ! C'est très bien, mais... ne serait-il pas plus judicieux que les services sociaux passent un petit coup de fil à la personne seule, de temps à autre, pour savoir si tout va bien ? Il fait horriblement chaud, on nous recommande de boire... Beaucoup de personnes seules ne sont pas aptes à se surveiller elles-mêmes et à aller chercher des bouteilles d'eau...A notre époque individualiste, le chacun pour soi est roi...Moi, j'ai un bon voisin qui s'inquiète de moi.Et j'arrive à me débrouiller...Je peux me faire aider...Et tous les jours un membre de ma famille au moins se renseigne par téléphone ou par Internet, sur mon sort. Tout le monde ne peut en dire autant ! Mais s'il fallait que nous retrouvions la situation de 2003, la bonne conscience serait présente...On a établi des listes !!!!C'est ce qu'on demandait non ? Donc, pas de reproches à faire et à se faire ! 

                                Eh bien si ! il faudrait peut-être travailler un peu avec sa tête et avec son coeur. Penser...est-ce si difficile ? Passer un petit coup de fil à la personne seule pour savoir si tout va bien... Non, non, pas la peine, on a fait des listes ! Elles serviront ces listes à identifier les personnes décédées toutes seules dans leur appartement, parce qu'elles auront eu trop chaud, qu'elles seront déshydratées. Il y a un progrès, en 2003, certaines n'ont pu être identifiées assez vite...ça ne peut plus se reproduire, on a fait des listes ! Ah, mais ! les précautions sont prises ! Que veut-on de plus ? Juste un peu d'humanité s'il vous plaît !... Mais ça....En 2006, la journaliste avait écrit que j'étais furieuse et elle avait raison. Maintenant, je suis désabusée, c'est bien plus grave !

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  •                      "Tout le monde il est bon...."

                         C'est ce que je pensais quand j'étais jeune ! comme disaient mes parents parlant de moi "elle ne voit le mal nulle part" ! Ce qui ne les tranquillisait pas pour autant. Je pensais toujours que tout s'arrangerait, que je ne craignais rien, qu'une leçon mal apprise pouvait être récitée très bien, par quel miracle ? ça, je ne me posais pas la question ! J'étais ce qu'on appelle insouciante ! J'entends encore ma marraine me répéter "Ma petite fille, quand te mettras-tu devant tes responsabilités ?" Ben voilà, je n'y pensais pas ! Et je menais ma petite vie au jour le jour, doucettement, tranquillement... Mais il y a eu la guerre ! et j'ai bien été obligée de me secouer un peu et de réfléchir. Et je me suis bien rattrapée pendant ces six années au cours desquelles restant seule avec ma mère, il nous a fallu nous débrouiller pour vivre ! J'ai enfin pris conscience que la vie n'était pas "un long fleuve tranquille" et que c'était peut-être utile de lui donner un petit coup de pouce de temps en temps ! et de penser que je n'étais pas la seule sur terre...Je n'étais pas égoïste, non pas du tout, je ne pensais même pas à moi ni à mon avenir...Là, j'avais d'ailleurs des problèmes avec mon père notamment ! J'étudiais parce qu'il le fallait, qu'on me poussait dans cette voie, mais je n'en faisais pas plus !

                           Et puis, et puis, cette guerre est arrivée. Comme tout le monde, j'ai été confrontée avec des choses plutôt laides et horribles et je suis redescendue de mon nuage. Au début, j'avais encore confiance dans ce monde autour de moi. Je n'imaginais pas le mal à ce point. J'ai vite "déchanté". J'aurais bien aimé refaire le monde comme nous le faisions entre étudiants avant la guerre ! Que de palabres alors ! Mais le départ était donné, on ne pouvait qu'essayer de freiner un peu la machine...ça je m'en rendais compte et je déplorais d'être une fille...Comme je l'ai pu, avec mes petits moyens, mais peut-être aussi avec un brin d'insouciance, j'ai essayé d'aider. J'ai pu constater que "tout le monde il est pas bon, que tout le monde il est pas gentil". J'ai du revoir mes idées de petite fille qui ne voyait le mal nulle part ! La vie peut vous façonner....

                           Après avoir rayé de mon vocabulaire les mots jeunesse, insouciance, inconscience, je suis enfin devenue adulte...comme tous les jeunes de ma génération. Beaucoup de jeunes qui terminent ces jours-ci des études plus ou moins longues, vont entrer dans ce qu'on appelle la vie active. Ils deviendront véritablement des adultes, avec les responsabilités, les soucis, avec toutes les joies mais aussi tous les inconvénients inhérents à cette période de transition. Une autre sorte de guerre que celle que nous avons connue, mais une rude bataille quand même. Bon courage à tous !

     

     

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