Fin 1944.....

                                        Actuellement, on préconise de faire des économies d'électricité, et il est exact qu'il y a bien du gaspillage de ce côté...."Pourrait mieux faire "! Et je me souviens de cet automne et de ce début d'hiver 1944, alors que nous avions encore des coupures de courant ! Tous les soirs à 20 heures...plouf, dans le noir ! Pas question d'écouter la TSF (et pourtant, je venais de racheter un poste à un collègue, pour remplacer celui que nous avions laissé au fond de nos décombres).  Les informations ? il fallait attendre que le courant nous soit à nouveau distribué.... Bon, on prenait patience puisque ça nous était imposé par le gouvernement français...les allemands ayant quitté en grande partie notre territoire ! Enfin....On pouvait donc tout accepter.

                                         J'avais rapporté un jour du commissariat de police où je travaillais, un cadeau appréciable qui nous avait été fait par les soldats américains....Des petits lumignons, loupiotes (?), je ne sais pas exactement comment cela s'appelait ! C'était de toutes petites mèches que l'on posait sur un  verre contenant de l'eau et un tout petit peu d'huile, celle-ci restant à la surface bien sûr ! Ce n'était pas moderne, mais comme j'en avais eu une boîte entière, on en allumait plusieurs...et on les posait sur la table....ça nous permettait de voir au moins ce qu'on mangeait, enfin, on devinait....On aurait dit des petites lucioles....Et puis, c'était drôle ! qu'au vingtième siècle, on s'éclaire avec ça ! On aurait pu jouer aux fantômes, les ombres qui se détachaient étant assez curieuses ! il en fallait peu pour nous amuser !

                                          Et quand au bout d'une heure la lumière nous revenait, qu'est-ce qu'on appréciait ! Vive le progrès ! Et la TSF pouvait être à nouveau écoutée...C'est ainsi que j'ai entendu les premières chansons de BOURVIL dont cette célèbre "Elle vendait des cartes postales". Cela nous faisait rire à gorge déployée ! après 4 ans d'occupation ça semblait tellement bon, qu'on ne s'occupait pas beaucoup des paroles ... La liberté était là...nous étions  libres de rire de tous les petits inconvénients de la vie courante, des chansons qui n'étaient pas vraiment intellectuelles....Il serait temps "après" de faire un tri....Dans l'immédiat : Vive la Liberté ! Avec ou sans lucioles pour nous éclairer !

                                       

                                       Juillet 1968....

                                       Nous venions de vivre des évènements qui laissaient des traces ...Mai, Juin 1968.... Plus rien ne fonctionnait. Et c'est cette période que nous avions choisie pour...changer de voiture ! Non seulement changer de voiture, mais profiter d'une bonne occasion de revente de l'ancienne à un particulier...sans attendre que la voiture AMI6 commandée chez Citroën et promise par eux, nous soit livrée !!! Ils avaient promis, et une promesse étant sacrée, nous étions confiants !!! Nous devions partir en vacances jusqu'à WITLITCH (près de Trêves en Allemagne) où notre fils aîné faisait son service militaire... La date en était arrêtée...Oui mais...Nous n'avions pas prévu tout ce qui allait arriver et CITROEN nous avait affirmé que les voitures étaient déjà arrivées et qu'il n'y avait aucun problème...Nous avions même fait un chèque pour bien confirmer cette commande (et ce à la demande du représentant qui s'était engagé à nous mettre cette voiture à notre disposition à la date prévue)....C'était on ne pouvait plus sûr.....On ne devrait jamais faire confiance !  Notre départ approchait, et ...pas de voiture à l'horizon, l'ancienne étant déjà partie pour le plus grand bonheur de son nouveau propriétaire. 

                                          Après des menaces et un mini scandale à l'Agence Citroën, en présence d'autres clients pas plus chanceux que nous, le directeur de l'Agence nous propose de nous en fournir une qui servait aux essais pour les clients éventuels. La voiture n'avait que quelques centaines de kilomètres, elle avait des options dont on nous faisait cadeau pour nous dédommager...Une affaire en somme...En dehors de la couleur bleue qui ne nous plaisait pas, le reste était parfait. Et il valait mieux une voiture de couleur bleue que la marche à pieds avec sacs à dos ! Accepté ! On est même venu nous la déposer le soir à 8 heures, après nettoyage d'usage ! Nous voici donc partis le lendemain matin aux aurores, avec une voiture neuve, immatriculée en bonne et due forme....Tout va bien jusqu'en Lorraine....Je ne me souviens plus à l'entrée de quelle ville, CRS sur la route, coup de sifflets et injonction d'avoir à se garer. Pourquoi ? Mon mari n'allait pas trop vite, il tenait sa droite, il n'était ni drogué ni un brin éméché, les pneus n'étaient pas lisses....Il se range sur le côté de la route et les deux Agents sortent un carnet, semblent chercher quelque chose, font le tour de la voiture plusieurs fois, demandent les papiers du véhicule...et restent muets...Énervant ça !!! Mon mari pose des questions, en vain.  Un des CRS lui demande depuis combien de temps il a la voiture ; Réponse : "Depuis hier soir" ! C'était facile à retenir, on avait eu tellement peur de partir à pieds ! Hochements de tête des forces de l'ordre...Ils avaient un problème.....Nous aussi par la même occasion et en plus on ignorait tout !

                                             Et tout à coup : explications, enfin ! Le numéro d'immatriculation de notre voiture ne figurait pas encore sur leur liste des nouvelles immatriculations ! Avec les évènements, ça ne suivait pas bien dans les organismes officiels.....Nous avions pensé à tout, sauf à ça ! Citroën pensait être en règle et bien entendu nous aussi !
Ouf, on avait eu chaud...ce voyage n'était pas très bien organisé. D'autant plus qu'en arrivant près de notre fils, il avait "oublié" de nous retenir des chambres.....Ma mère était avec nous....Et c'était Samedi après-midi, tout était fermé en Allemagne ce jour-là !  Je crois bien que mon mari "voyait rouge" !  Ce n'était pas le moment de se faire remarquer d'une façon quelconque ! Tout s'est arrangé....Et la région était très belle heureusement. Il nous fallait bien une petite compensation !

                                             Après ? on en a ri ! que faire d'autre ?

                                      Se souvenir de tous et de tout  !

                                       Se souvenir des siens et des petites anecdotes qui leur sont attachées...Aujourd'hui particulièrement, jour de souvenir, je me souviens de tous ces membres de ma famille dont certains trop tôt disparus. Et je me souviens des anciens, mes parents, mes grands-parents partis parce qu'il faut bien partir un jour....Et  je revois ma bonne grand-mère lorraine avec son sourire si doux, sa "petite larme" célèbre dans la famille, quand nous arrivions en vacances ! C'est qu'elle nous aimait ! Et peut-être était-elle un peu fière aussi ? Pensez, sa fille avait épousé un parisien, en col blanc qui plus est ! et lui avait donné deux petits-enfants qui travaillaient très bien à l'école et surtout, adoraient leurs grands-parents ! Que demander d'autre ?

                                        Grand-mère admirait et adorait son gendre...et lui donnait toujours raison ...un peu de favoritisme. Elle ne lui reprochait qu'une chose : son amour pour le fromage (bien réel). Parce que, pour elle, entêtée comme tous les lorrains, il n'y avait que deux sortes de fromages : le fromage blanc et le "haut fromage", celui-ci englobant toutes les sortes de fromages français et il y en a ! Pour elle, seul le fromage blanc provenant du lait qu'elle faisait cailler (et qui était délicieux), était un vrai fromage ! tous les autres ? ils sentaient mauvais surtout et elle leur attribuait tous les méfaits de la terre.....Mon père, lui, c'était Munster et autres "délices" de ce genre ! Rien à voir ...Grand-mère lui prédisait les pires maux, voire une mort prématurée...manger ça ! fallait bien être parisien ! Une année, en vacances, le voilà qui a un hôte inattendu...le ver solitaire ! Seigneur ! Quelle horreur ! Quelle en était la cause ? Il ne pouvait y en avoir qu'une, et la sentence est tombée : "Mon pauvre Robert, fallait bien vous y attendre, avec tout le fromage que vous mangez "!!!!!  Ce que nous avons pu tous rire, de cette réflexion et de cette mauvaise foi ! Elle n'a jamais voulu capituler et est restée sur ses positions...le seul responsable, c'était le fromage !

                                         Petit souvenir anodin...mes parents le racontaient souvent, il était resté célèbre dans la famille ! Pourquoi  est-il remonté jusqu'à mon esprit aujourd'hui ? Parce que je pense à tous sans doute, sans tristesse mais avec tendresse....

                                                Quand mon père racontait.....

                                               Je ne sais si c'est un art...Si c'en est un "raconter", alors, mon père le possédait à fond ! Il savait nous tenir en haleine, nous faire vivre les histoires qu'il avait glanées ici ou là et dont il se souvenait dans les moindres détails...Même, il n'était pas ennemi de rajouter quelques idées de son crû pour "faire durer"....

                            Lorsque nos enfants étaient petits et que leur grand-père venait nous voir, je les revois attentifs, écoutant (infiniment mieux qu'à l'école ou nos recommandations !), ce que Papy allait dire ! Et c'était tellement vivant ! Il savait "y mettre le ton" ! Gai et joyeux quand l'histoire était amusante, triste quand elle l'était...Il pouvait même y aller de sa petite larme et prendre un air tellement malheureux ! Comédien ? non...simplement, il "vivait" ce qu'il racontait, il entrait dans la peau des personnages ! Et les enfants adoraient ! Et quand je publie sur ce blog une de ces histoires, je crois l'entendre encore !

                            C'était la même chose quand il nous grondait, nous félicitait, nous punissait !... ça ne passait pas inaperçu ! il nous en restait quelque chose....Il avait une façon de nous dire "je suis fier de toi" ou..."vois ça avec ta conscience" ! qu'on ne pouvait pas rester indifférent ! Et il savait comme personne, se mettre à la portée de tous ! Il pouvait serrer la main du Président de la République (je vous rassure, il n'en n'a jamais eu l'occasion !) et la seconde suivante, serrer celle de l'employé municipal qui ramassait les ordures...Comme on dit dans le midi, je "galèje" un peu !...C'est ça qu'on appelle facilité d'adaptation ! 

                             Je parle de mon père et je me dis que c'est dommage qu'il n'ait pas aimé la politique...il aurait pu faire carrière ! Nos politiciens qui peuvent parler avec des trémolos dans la voix de situations, je ne vais pas dire dont ils se fichent, mais....qui en dehors de leur job, les laissent de marbre quand leur avenir politique n'est pas en jeu ! Clairvoyante ou méchante la mamie ?....La question est posée....

                             Savoir se mettre à la portée de tous, savoir raconter...qualité ou défaut ?

                             

                            

                         C'est beau d'être jeune !

                         Garder son âme d'enfant ! comme ça serait bien et reposant ! Croire que tous les gens sont bons, qu'ils n'ont jamais de mauvaises intentions, qu'ils ne veulent que votre bien...Hélas, il arrive qu'on déchante ! Seuls les enfants ont ce pouvoir...deux petites histoires vraies en font la démonstration :

 

                         Mon fils aîné avait eu besoin pour l'école, pour ce qu'on appelait alors les "leçons de choses" et qui englobait tant de choses, d'un oeil de veau de préférence ! Peut-être pour la grosseur ? Nous demandons à notre boucher à PARIS s'il pouvait lui en procurer un. Accord du boucher qui lui dit : "tu viendras en chercher un tel jour". Le jour dit, voilà notre gamin qui part, fier comme tout, récupérer son oeil. Et il revient enchanté ! Non seulement le boucher lui en avait donné un, mais il lui avait dit :"je n'ai pas pu avoir d'oeil de veau, alors, je t'ai gardé un oeil...d'éléphant" ! Mon fils n'avait pas douté un seul instant de la parole du commerçant. Il le trouvait même très gentil ! Il lui avait fait confiance, tout simplement.

                         Son frère rentre un jour de l'école et me demande, car il se posait quand même des questions, si une banane ça fondait ? Devant ma réponse négative, il me dit "celle que tu m'avais donnée a fondu. Je l'avais mise dans mon manteau dans le vestiaire et je n'ai retrouvé que la peau dans le sac. La banane a fondu"...Bon, je lui ai expliqué que c'était plutôt un petit farceur (ou gourmand), qui avait mangé la banane et lui avait laissé la peau...Mais, ça, ce n'était pas possible ! il avait confiance aussi, tout simplement !

                          La crédulité des enfants, c'est rafraîchissant...Ils sont encore à l'époque des illusions..."Tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil"...Quel dommage que ça ne dure pas. La vie est là pour prouver très souvent le contraire !

                          Histoires naïves, pour rire !