•                          

                                   Vous avez dit "restrictions" ?

                            

                            C’était à la fin de l’été 1940, alors que nous commencions à manquer de tout. Hommes, femmes, enfants, animaux avaient faim ! Les adultes avaient bien compris ce qui se passait, les enfants un peu moins, mais les animaux….allez leur expliquer que l’occupant se moquait d’eux comme….de l’an 40 !


                           Ma mère avait réglé le compte de notre petite basse-cour : tout le monde en conserve, ça pourrait nous rendre service par la suite. De toute manière, on ne pouvait plus les nourrir…Mais nous avions un chat adorable, noir avec simplement une petite tache blanche sous le menton.J'en ai déjà parlé de ce Mickey. Nous y tenions beaucoup et nous avions essayé, en prenant bien des précautions, de lui dire qu’il ne devrait pas se montrer exigeant, que la petite tasse de lait, les petites douceurs, ça devait rester à l’état de souvenirs agréables, mais complètement dépassés ! Il devait prendre modèle sur nous et manger des légumes…D’accord, il adorait ça, mais il ne fallait tout de même pas oublier que les chats sont des carnassiers et qu’un poireau n’a jamais remplacé un bifteck…Impossible de le convaincre. Il adorait les caresses et ça, on ne les lui mesurait pas…mais…pour la viande, restrictions de A à Z.

                        Ce brave chat, pas sauvage du tout, allait souvent rendre visite à une voisine qui s’était occupée de lui pendant l’exode…Il aurait dû être reconnaissant, oui mais, elle n’aurait pas dû acheter, par quel canal (?) un chapelet de saucisses et surtout les laisser sur sa table. Et voilà pourquoi j’ai tout à coup entendu crier dans la rue « au voleur, au voleur, arrêtez-le » ! J’ai regardé à la fenêtre et j’ai vu notre matou qui galopait en traînant derrière lui tout un chapelet de saucisses ! 

                          Sorti de la maison de notre voisine, il avait emprunté  notre avenue, sautant pardessus les murs, le tout à une vitesse record...Les chats sont agiles et lestes et peuvent  battre des records de vitesse, ce qu'il a certainement fait ce jour-là...et notre voisine courait derrière, en vain ! Un vrai dessin animé ! Et moi, sans pitié, j'ai été prise d'un fou rire qu'il m'a été    impossible de retenir. Ma mère était absente, je pense qu'elle aurait eu la présence d'esprit de s'excuser. Moi pas ! C'était trop drôle...Tout s'est très bien terminé... pour Mickey qui a dû se régaler...Mais pas de saucisses au dîner pour notre voisine qui a décidé de ne plus laisser notre chat entrer chez elle !

                          Je n’aurais jamais pu faire ce qu’avait fait notre chat….de toute façon, je ne courais pas assez vite….. »Tu ne voleras pas »…mon chat n’avait que faire de ce précepte …A la guerre comme à la guerre !

                         

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  •                       On aura eu droit à tout....

                          Pour nous irriter pendant les années 1940, nous avions déjà l'occupant, les restrictions, les rutabagas, les doryphores et j'en passe ! Avions-nous tellement besoin de maladies gratouillantes, irritantes, humiliantes il faut bien l'avouer...Certainement pas, et pourtant !

                         Comme beaucoup de français, je me suis retrouvée un beau matin avec des démangeaisons fort désagréables et surtout très mal placées ! Le pli du coude, sous les bras et bien d'autres endroits visibles ou cachés...C'est "là que ça se tenait" ! Oui, mais quoi ? Mon père, se souvenant de tous les maux des tranchées, m'avait dit en riant :"dans les tranchées, on appelait ça la "frotte" !" Je n'étais pas dans les tranchées, mais la gale, puisqu'il faut bien l'appeler par son nom avait jeté son dévolu sur moi ! On l'appelait alors "gale du pain"...çà faisait mieux ! Je ne voulais pas y croire et me voici partie en consultation chez notre médecin...Il avait dû faire ses études dans les tranchées, puisqu'il a confirmé ce que m'avait dit mon père (mais en termes plus scientifiques !) Toujours sceptique je lui parle de gale du pain...Et il me répond "disons que c'est la gale des gens propres, mais c'est la gale tout de même " ! Il a eu de la chance, je n'étais pas armée....Dire ça à une jeune fille de 19 ans alors, bichonnée, pomponnée, coquette...D'accord, je me grattais comme un chien plein de puces, mais enfin, c'était vexant ! Me voici donc obligée de me frictionner avec une préparation faite par le pharmacien, et de me brosser vigoureusement avec une brosse très dure et du savon...celui que nous avions alors, plutôt pierre ponce que savon bien mousseux ! J'avais gardé de cette maladie (en était-ce vraiment une ?) un souvenir pénible physiquement et moralement ! J'en ai réchappé, puisqu'aussi bien, c'est plus désagréable que grave !

                           Et voilà que l'année suivante, je suis prise de petits gratouillis dans la tête...Et je trouve sur mon front un petit insecte que je ne connaissais pas. Mon père (toujours lui et ses souvenirs de guerre) me dit :"mais c'est un "toto" "! Il ne manquait plus que ça à mon bonheur ! La mode des coiffures cette année-là était : cheveux longs, crêpés, avec des échafaudages ! Une vraie forêt vierge ! Ma mère me préconise d'aller acheter de la Marie-Rose ; oui, mais j'avais honte ! Alors, j'ai envoyé un de mes collègues, chauve lui et sans complexes ! et il m'a rapporté cette lotion qui sentait assez fort, mais dont il fallait user et même abuser pour un résultat efficace....J'ai bien dû faire cinq ou six shampooings avant d'oser mettre les pieds dans un salon de coiffure !

                            C'était aussi ça la solidarité pendant l'occupation ! ce que l'un attrapait, il le passait à son voisin de travail ou de transports en commun ! On partageait tout..."Grattez, grattez, il en restera toujours quelque chose"...Moi, il me reste ces souvenirs "cuisants" et si désagréables à accepter alors !

                         


                         

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  •                          Jeunesse, dernière ligne droite...

                           

                             Une photo du Panthéon vue ce matin, me rappelle ce souvenir de jeunesse...Un déclic qui me renvoie à l'époque de mes "presque 17 ans"....

                             "Si l'aurais su, j'aurais pas venue"...Si j'avais déjà connu cette réplique, j'aurais pu l'utiliser ce jour de printemps 1939, un jour réservé théoriquement aux études, mais le beau temps aidant...je m'étais laissée entraîner par des camarades de cours, sans beaucoup de mal et avec eux, nous avions séché un cours...je ne me souviens plus lequel, mais certainement un cours de droit constitutionnel, c'était le moins couru ! Pour faire quoi ? oh, rien de mal, nous voulions visiter le Panthéon...C'était notre voisin et nous lui devions bien une visite de politesse !

                             Nous voici donc à cinq ou six, en rupture de ban ! Visite approfondie du monument, "de la cave au grenier"...Il y en a des marches à monter mais courageusement nous grimpons, jusqu'en haut, par un escalier intérieur...Bon, je n'ose rien dire, mais j'ai un peu de mal à suivre n'étant pas très sportive...Mais on a sa petite fierté...Ouf, nous arrivons à destination enfin, mais quand on a beaucoup grimpé, pour revenir à son point de départ...il faut redescendre...Je n'avais pas trop réfléchi...Enfin bon, quand faut y aller, faut y aller.

                              Mais voilà, avant de redescendre, mes copains décident d'admirer les alentours et...de me les faire admirer ! Nous étions tout en haut et pour admirer, il faut regarder dehors ! Et ça, c'est un exercice que je ne referai jamais...Regarder la Place du Panthéon, la rue Soufflot et tout ce qui était en bas, alors que les voitures ressemblaient à des fourmis, il ne faut pas avoir le vertige ! oh! là là...Je croyais mourir. Et pour redescendre, il fallait le faire par l'extérieur...Comment faire quand vous avez l'impression d'être suspendue dans l'air et d'être attirée par tout ce vide autour de vous ? J'ai trouvé la seule solution qui m'est venue à l'esprit : je me suis assise sur les marches servant à la descente uniquement, le long de la coupole, et je suis descendue, marche par marche...sur les fesses ! Je n'avais aucun complexe, ma peur était trop grande....Bien fait pour moi, fallait pas y aller ! Puis nous avons pu réintégrer l'intérieur et finir notre descente par l'escalier normal.... Bien entendu, je n'ai pas raconté mes exploits à la maison, mon père n'aurait pas admis et le séchage de cours et cette ascension. Il fallait tout avouer ou ne rien dire du tout , ce que j'ai fait....Quel souvenir et quelle honte j'ai ressentie après ! Souvenirs de jeunesse...peu de temps après cette jeunesse était terminée...J'ai dû commencer à réfléchir...

                                Quand je repense à cette année 1939, je ne regrette même pas mon insouciance de l'époque !

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  •                            Les "festivités" commencent !

                             Si juin 1940 a vu la fin d'une époque, ce même mois nous annonçait un début qui...dura quatre longues années ! Début des restrictions et de la débrouillardise ! Le français est réputé débrouillard et là, il allait le démontrer au maximum...Il aime la bonne cuisine, le bien-manger et a également la réputation d'être "bon vivant" ! Eh bien, pour continuer à vivre ce n'était pas évident !

     

                             Curieusement, dès le début de l'occupation, les poules ont moins pondu, les vaches ont donné moins de lait, les boeufs, porcs, moutons ont eu, qui moins de biftecks, qui moins de côtelettes, jambon, gigot etc..; les maraîchers ne trouvaient plus de bons produits de la terre celle-ci se refusant à faire pousser tous les végétaux et autres dérivés...En un mot, il y avait un refus général de produire, tout au moins, on aurait pu le croire...A moins que l'occupant, ayant une dent contre nous, ait décidé de ne pas nous faire user les nôtres...en nous interdisant de mastiquer ce qui était bon, sucré, nourrissant, plein de vitamines, de protéines etc...qu'on croyait jusque là être nécessaire à une bonne croissance et au maintien de la santé ! Pas question de "cinq légumes et fruits" par jour...Nos rêves étaient illuminés par des visions de gigot aux haricots, jambon blanc ou fumé peu importe, biftecks saignants et tendres accompagnés de frites ou d'une bonne purée au lait ...Les réveils étaient beaucoup plus tristes ! Mais, dans sa grande mansuétude, ce même occupant libérait sur les marchés, à notre intention, des trucs qu'on n'avait pas eu l'habitude de voir ! Des rutabagas, des crosnes, des topinambours, du pâté de poisson (absolument dégoûtant tant par la couleur que le goût), des fromages sans lait (vite, vite passez-moi un verre d'eau...c'est un peu trop sec), des ersatzs de toutes sortes...On ne savait même plus ce qu'on mangeait ! Mais quand même, quand on avait été bien sages, on avait droit à 90 grammes de viande...par semaine et par personne ! Et ces fameux rutabagas ! ça, je connaissais, ma grand-mère lorraine en coupait des morceaux pour ses lapins et les recouvrait de son...Nous, nous n'avions pas le son (il était dans notre pain). Les rutabagas, censés remplacer les pommes de terre, ne remplissaient pas l'estomac, ils le creusaient ! dès que vous sortiez de table, vous aviez faim, et ça, c'était pas nécessaire ! Nous n'avions pas "des petits creux", mais des "grands creux"....Surtout les habitants des villes, les possesseurs de jardins arrivant à faire pousser quelques pommes de terre et autres légumes..Les pommes de terre, agrémentées de doryphores (ça c'était sans doute pour le folklore...)

                               Les rutabagas au goût de navet (?), bon, je ne détestais pas. Mais les topinambours et surtout les crosnes...quel supplice pour moi...et ma pauvre mère qui se donnait tant de mal pour nous faire des repas corrects et mangeables, n'était pas toujours remerciée d'un sourire...Je me souviens d'un repas où flocons d'avoine, pâté de poisson (sans tickets), rutabagas et fromage blanc sans lait (oui, vous lisez bien), m'avaient fait faire "hihan, hihan" à la fin du repas ! je me croyais drôle, ce n'était pas gentil...Ah, ces jeunes, qu'ils soient de n'importe quelle époque, ils ne sont pas conciliants 

                               En ce qui me concerne, j'étais affreusement difficile avant-guerre...les restrictions m'ont habituée à l'être beaucoup moins ! Et maintenant, je parle de cette époque avec humour...pas du tout sur l'instant ! Mais comme chacun le sait "Il faut manger pour vivre et non pas vivre pour manger"....C'est ce que nous faisions, de très mauvaise grâce !

                               

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  •                          Ou....la mort du cochon !

                             C'était pendant l'occupation (toujours elle !) en 1942 si je me souviens bien... Les restrictions de toutes sortes nous tombaient dessus et parfois (!) la faim se faisait ressentir...D'accord, nous avions les rutabagas, à volonté...mais pour nourrir un estomac qui crie famine...je n'insiste pas ! essayez vous-mêmes ! Donc, tous les moyens étaient bons pour "compenser", avec ou...sans tickets (plutôt sans !).

                             Nous avions des amis commerçants, qui vendaient savon, lessive, produits d'entretien pour la maison et produits de beauté...Ils faisaient les marchés, et dans la foulée un peu de troc ! "Je t'échange une savonnette contre un quart de beurre"...Ce n'était pas du marché noir, ils étaient contre..A l'occasion, si une bonne affaire se présentait, on pouvait toujours voir ! Et c'est ainsi qu'un jour ils ont pu avoir un cochon vivant ! Une aubaine ! Ils avaient décidé d'en faire profiter quelques amis, dont ma mère et moi...Mais pour ça, le cochon devait mourir, et c'était ça le plus compliqué !

                             Son sort fut donc décidé en petit comité, mais à l'unanimité l
    il devait mourir d'un coup de pistolet par la main d'un gardien de la paix ami de mes amis(pas du tout permis, mais dans la vie il faut bien prendre des risques) L'heure était fixée à minuit, quand tout dormait aux alentours....Prudence, prudence....Nous étions tous présents et attendions le coup de feu, le coeur battant...V'lan ! notre tireur qui ne devait pas être d'élite, a raté le cochon....Qui a déjà entendu un cochon qui a peur ? Pire que toutes les sirènes de France réunies...le pauvre cochon a braillé de toutes ses forces, nous mettant tous en transe ! Dans le silence de la nuit, c'était un peu bruyant. Le tireur a recommencé son tir avec succès, le silence est revenu, notre tranquillité pas du tout ... Notre ami a cru bon de faire des largesses en distribuant le lendemain quelques côtelettes aux voisins proches de chez lui...On ne sait jamais....Quelle émotion ! quelle affreuse mort pour ce cochon  dont le seul tort était de représenter un supplément "sans tickets"...Mais c'était la guerre...



                              

                             

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