Parmi les choses graves....
En cette année 1944 où se sont succédés des faits très
importants pour notre avenir à tous, il y en a eu un, qui pourrait passer inaperçu et qui aurait pu échapper à ma mémoire...C'est qu'il n'était pas indispensable à la vie celui-là, pas
indispensable pour la suite des évènements...en un mot, un qui a été insignifiant ! Et pourtant ! Je veux parler du retour du vrai café sur nos tables et dans nos tasses ! Après
la Libération, nous avons commencé à le voir réapparaître, en toute petite quantité bien sûr, mais tel qu'il était, en grains bien grillés, fleurant bon, et tel qu'on désespérait de le revoir un
jour ! Exit l'espèce de mixture qui était notre ordinaire depuis quatre années, mais qu'on nous rationnait quand même ! Pas de générosité intempestive ! Non, il était bien là et avec du sucre
s'il vous plaît....Ce n'était qu'un avant-goût, pour nous rappeler que tout ça existait, mais que nous n'avions pas encore été assez méritants et qu'il nous fallait attendre encore un peu pour
"en avoir trop" !
Quoiqu'il en soit, nous avions "touché" une ration de ce merveilleux breuvage et
ma mère et moi avions décidé d'en profiter et de nous faire un excellent café ! "bon comme avant"...Et d'y ajouter du sucre, ce qui n'était plus le cas depuis 1940, la saccharine ayant fait son
apparition...Pas de commentaires, juste de mauvais souvenirs ! Il fallait bien que nous tenions la promesse que nous nous étions faite en nous jurant que notre première action de femmes libres
serait celle-là : la confection d'un vrai café ! Une promesse c'est sacré !
Donc en ce dimanche d'été 1944, nous l'avons dégusté notre café ! et nous y
avons ajouté du sucre....à tel point qu'on aurait dit du sirop et que c'était imbuvable ! Nous avions perdu le goût du sucre ! Trop sucré avec un simple petit morceau ! On recommence l'opération
sans sucre cette fois...Un vrai régal...Plusieurs tasses ont ainsi été absorbées avec plaisir...Ah oui, nous étions heureuses et nous y avons pensé beaucoup à ce café, nuit et jour....ni ma mère
ni moi n'avons pu dormir pendant trois jours ! et je ne vous parle pas des battements de coeur ! Je crois bien que nous n'aurions pas dû être si gourmandes et "y aller" plus doucement !
C'est ce que nous avons été obligées de faire pour tout, l'ère des
restrictions n'étant pas terminée et ayant duré encore plusieurs années ! ça on ne le savait pas encore !
L'habitude étant une seconde nature (même une mauvaise habitude), je n'ai jamais pu reboire un café sucré depuis la guerre...Je n'aime plus ! D'ici à ce que je me remette à aimer les rutabagas
....
Hier aussi il a plu à Marseille. Ils avaient annoncé des éclaircies pour aujourd'hui, ben non il fait toujours gris.
Bon quand on travaille ce n'est pas trop grave.
Bon lundi