• Pour tous les "Morts pour la France"...

                         Aujourd'hui 11 novembre...

     

                         C'est décidé...de ce jour 11 novembre, alors qu'il n'y a plus aucun survivant de la Grande Guerre dont l'Armistice avait été carillonnée le 11 novembre 1918, il sera fait une journée commémorative pour tous les "Morts pour la France" non seulement de la Grande Guerre, mais aussi des "interventions" plus proches de nous, guerres qui ne disent pas vraiment leur nom, mais qui ont vu mourir déjà un grand nombre de nos jeunes.

     

                          Ces jeunes qui ont un idéal et qui me rappellent tellement mon frère mort le 9 juin 1940, que je transcris ici le résumé de sa courte vie, puisque mort à 18 ans 1/2...Engagé volontaire il était en 1939.... J'avais écrit ce texte qui paraît dans mon livre "Au Fil de ma mémoire", et dont je fais ici un copié/collé :

     

                                            LE RETOUR



                           15 JANVIER 1949


                Église N.D. de France - JUVISY


        Il est 14 h.15...Il fait très froid…

        Beaucoup de monde devant l’église, famille, habitants de Juvisy, anciens camarades, représentants du Collège St Charles, Scouts de France, amis connus et inconnus, tous réunis pour t’accueillir et te rendre hommage André, car enfin « Tu rentres à la maison » pour que ton corps repose à  JUVISY dans le « Carré des soldats », ce coin de cimetière réservé aux Enfants de Juvisy « Morts pour la France ».

        André, mon grand frère, tué à la guerre en 1940, enterré comme « Inconnu », exhumé neuf mois après, identifié mais sans que sa famille qui le recherchait soit prévenue, dont la tombe a été retrouvée par hasard en 1942, dont les objets personnels qui formaient un paquet précieux pour sa famille, se sont trouvés enfouis dans les décombres de sa maison et miraculeusement retrouvés,

        André ne voulait pas rester  « l’introuvable ». Tu étais si gai et si vivant mon grand frère…Tu ne pouvais pas partir ainsi  sans laisser d’adresse…Ce fut ton dernier « Jeu de Piste »…

        Et moi, je me souviens….

                  Ce 15 janvier 1949 est la fin d’une longue période d’attente, de tristesse, qui a débuté en 1939.

        Année scolaire 1938 - 1939

        Après son bac de maths-élem, André entre au Lycée Charlemagne à PARIS, en classe de Mathématiques spéciales, son but étant l’École Polytechnique (il fallait bien un matheux dans la famille, ça n’était pas courant).

        Depuis plusieurs mois on parlait beaucoup  de la guerre qui pourrait avoir lieu. Elle devenait inévitable, l’Allemagne dirigée par ce mégalomane d’Hitler, réclamant de plus en plus « d’espace vital »…Il avait envahi la Tchécoslovaquie, l’Autriche et réclamait l’Alsace-Lorraine. Puis il avait signé avec les Russes un pacte de non-agression.

        Au mois d’août 1939, beaucoup de réservistes avaient été rappelés sous les drapeaux et envoyés surtout sur
    la ligne Maginot que l’on pensait imprenable. Dans les champs où la main-d’œuvre manquait, des scouts essayaient de remplacer les hommes mobilisés. André était dans la Beauce avec la troupe scoute du collège pour la récolte des pommes de terre.

        Vers la fin août, on commence à voir passer des trains de militaires et des trains de réfugiés d’Alsace-Lorraine, ces derniers ayant pour la plupart tout abandonné chez eux, de peur de l’invasion allemande. Les quais de la gare étaient gardés par des gendarmes et des policiers…L’ambiance était donc tout à fait spéciale.

        Et le 2 septembre 1939, l’ordre de mobilisation générale a été donné, les Allemands ayant envahi la Pologne.
    Ensuite, tout va très vite. Le 3 septembre, la France et l’Angleterre déclarent la guerre à l’Allemagne…C’est un triste dimanche. Depuis le pont de la gare de JUVISY, nous regardons passer les trains de soldats partant pour le front et se dirigeant vers l’Est, alors que les trains de réfugiés du  Nord et de l’Est de la France descendent vers le Sud.

        André est revenu dès le 1er septembre et il allait avoir 18 ans le 4 septembre, c’est-à-dire le lendemain de la déclaration de guerre. Sa décision est prise : il va s’engager. Une possibilité est donnée aux futurs Polytechniciens ayant déjà fait une année de mathématiques spéciales, de s’engager et de commencer par  l’École d’Application d’Artillerie à FONTAINEBLEAU (ce qui se fait - ou se faisait à l’époque - après le passage à Polytechnique). Tout le monde pense que la guerre sera très courte avec la victoire au bout ! André pense qu’ainsi il ne perdra pas de temps et que c’est son devoir de partir puisqu’il avait décidé de faire à la sortie de l’X une carrière militaire au moins pendant le temps qu’il devait rester au service de l’État pour « rembourser » ses études.

        Il fait donc toutes les démarches et intègre l’École d’Application d’Artillerie  de FONTAINEBLEAU où il se retrouve élève-officier après avoir « fait ses classes » comme canonnier. Il est ravi, fait des maths à outrance et apprend en même temps le métier militaire. Nous le voyons presque toutes les semaines; quand il n’a pas de permission, il passe le dimanche chez un oncle et une tante à Veneux, près de Fontainebleau. Et il retrouve à l’E.A.A. un ami du Lycée Charlemagne qui lui a été appelé puisqu’il a 20 ans. Du Lycée, ils continuent et leurs études et leur amitié.

        L’hiver passe ainsi. Mon père a été mobilisé en novembre. Ma mère et moi sommes donc seules. Le temps passe avec des occupations diverses et la « drôle de guerre » continue…L’hiver 39/40 est très rude pour tous. Nous vivons au jour le jour en attendant quoi?…On ne sait trop…Rien à signaler sur le front de l’Est. C’est l’attente…Les soldats n’ont pas le moral. Mon père est mobilisé à PARIS dans la DCA.

        Pour nous, les semaines sont entrecoupées des visites de mon père et d’André. Noël 1939 nous réunit tous les quatre. Ce sera la dernière fois…..

        Printemps calme pour nous tous. André  poursuit très bien ses études à Fontainebleau. En avril 1940 il passe l’examen et est reçu 12ème sur toute l’École dont certains élèves sont déjà polytechniciens…Cela lui donne le droit de choisir l’unité dans laquelle il veut aller (malheureusement). On lui propose des unités sur le Front ou Instructeur dans le Centre de la France…Son choix est sans appel : il ira sur le front car il ne s’est pas engagé pour « aller se planquer » à l’arrière, mais pour se battre pour son Pays. C’est très clair et c’est son droit…Il choisit donc le 12ème Régiment d’Artillerie Coloniale (régiment de Sénégalais), qu’il rejoint en Lorraine avec le grade d’Aspirant (trop jeune pour être sous-lieutenant d’emblée). Nous sommes le 15 ou 20 avril 1940. Il n’a pas de permission de détente avant de quitter Fontainebleau. Mais arrivé à son poste, son capitaine lui demande d’en poser estimant que plus tard ce sera plus difficile ! André prévient nos parents que sur ses 10 jours de permission il désire en passer 5 chez nous et 5 chez mes grands-parents en Lorraine à Affracourt. Grand-mère est dans tous ses états, elle fait toutes les démarches à la gendarmerie et elle lui « prépare » sa route pour qu’il ne perde pas trop de temps.

        Nous voici donc réunis vers le 25 avril jusqu’au 1er mai, date à laquelle il part pour Affracourt. Je l’accompagne à la gare de l’Est à PARIS et là il m’offre un brin de muguet…C’est mon dernier souvenir.

        Sa permission terminée chez mes grands-parents, le 5 mai il rejoint son unité au front. Ce n’est plus la drôle de guerre, les combats commencent. Les Allemands massent des troupes aux frontières…Le 10 mai, ils envahissent la Belgique, la Hollande…l’exode des civils sur les routes du nord de la France commence.

        Nous sommes très inquiets pour mon frère. Nous ne savons pas exactement où il est. Il écrit fin mai pour demander à mon père des cartes routières dont il donne les numéros. Nous comprenons qu’il se trouve dans la Somme. Malheureusement ces cartes nous reviennent la censure ayant refusé de les transmettre. André les demandait parce qu’il n’avait pas de carte d’État-major ! La pauvre armée française était démunie de tout ; (la plaque d’identité d’André, c’est mon père qui la lui avait fait faire lors de sa dernière permission…L’armée en manquait !!! ).

        Et tout se précipite…Nous n’avons plus de courrier. La dernière lettre de notre soldat est datée du 3 juin (nous ne la recevrons qu’après l’exode). Il se plaint de l’aviation qui les bombarde sans arrêt et…fait beaucoup de bruit ! Sans ce bruit écrit-il, il pourrait se croire dans ses camps scouts des années précédentes…Avait-il peur ou pris dans cette tourmente, vivait-il dans un état second ?

        L’armée allemande progresse à grands pas. Il nous faut bientôt quitter Juvisy, Paris est déclarée « Ville ouverte ». Toutes les administrations ont été évacuées sur le sud de la France. Nous rejoignons donc sur les routes l’immense flôt des réfugiés. C’est l’exode, pour aller où ? C’est une pagaille monstre. Et nous partons sans avoir de nouvelles d’André. La bataille fait rage dans le Nord, dans la Somme, dans l’Oise. Les Allemands font tellement de prisonniers en quelques jours qu’on se dit que peut-être il a été fait prisonnier aussi…Pas de  nouvelles non plus de mon père que nous savons sur les routes.

        Et nous voici occupés par les Allemands…Cela s’ajoute à notre peine et à notre inquiétude qui ne fait que grandir. André a peut-être essayé de rejoindre l’Angleterre pour continuer le combat ? Rien ni personne ne peut nous renseigner. Nous écrivons partout : à la Croix Rouge française, à la Croix Rouge suisse; son ami du lycée Charlemagne a même écrit à la Croix Rouge allemande…Nous avons pu savoir « qu’il  était vraisemblablement vivant le 31 mai, car il avait touché sa solde »….Il aurait également été très légèrement blessé et fait prisonnier très provisoirement, mais se serait échappé très rapidement. Tout ceci n’est pas très fiable…mais on voulait y croire, oh combien !
        Attendre devient donc une habitude…Attendre du courrier, attendre des nouvelles par différents recoupements. Et le temps passe…Ma mère qui garde espoir, a préparé des conserves en rentrant d’exode, pour le cas où mon frère écrirait qu’il est prisonnier…elle pense aux colis qu’elle pourrait lui envoyer.

        Les mois s’écoulent tristement avec des restrictions très contraignantes et surtout avec cette attente de plus en plus pesante de nouvelles d’André. Nous guettions le facteur qui passait alors trois fois par jour. Nous gardions malgré tout un espoir insensé, tant d’hommes avaient réussi à rejoindre l’Angleterre, pourquoi pas André ?…Mais il nous aurait fait prévenir d’une façon ou d’une autre…Sa famille, ses amis, tous essaient d’apprendre quelque chose..Mais rien…Je me rends mieux compte maintenant combien ma mère était courageuse et quel calvaire elle endurait.

        Attendre, attendre, attendre….Nous perdons espoir sans trop l’avouer.

        JUVISY était une petite ville à l’époque et nous étions connus. Un de nos voisins qui travaillait à la Perception avait parlé à son travail de Madame Lavaud qui  était toujours sans nouvelles de son fils depuis juin 1940. Un des collègues de ce voisin ayant perdu son père quelques mois plus tôt, se rend au cimetière de MAIGNELAY (Oise) le jour des Rameaux 1942, le 29 mars. En passant dans le cimetière, il voit plusieurs tombes de soldats morts le 9 juin 1940. Sur certaines d’entre elles est indiqué « soldat inconnu », d’autres portent un nom. Sur l’une de celles-ci est inscrit : « Aspirant André LAVAUD - 12ème R.A.C. - 4-09-1921  / 9 - 06 - 1940 » . Il pense immédiatement qu’il a déjà entendu ce nom et fait le rapprochement avec ma mère. Il va alors voir le maire de Maignelay et lui demande des renseignements. Ce maire lui répond qu’il s’agit d’un soldat dont la famille a été avisée du décès, mais qui ne s’est jamais dérangée !

        Dès le lendemain, de retour à son travail, il raconte à notre voisin ce qu’il a vu à Maignelay. Notre voisin qui sait que nous sommes amis avec le maire de Juvisy, prévient celui-ci qui se met immédiatement en rapport avec le maire de Maignelay, lequel lui confirme avoir « fait le nécessaire » et avoir en sa possession tous les papiers et objets retrouvés sur ce soldat. Il donne des précisions telles (lettres avec notre adresse, carte d’identité scoute etc…) qu’il n’y a plus aucun doute.

        Nous sommes le 31 mars 1942; il est 19 heures et je suis seule à la maison, ma mère étant à PARIS. Notre ami se présente chez nous et voyant que je suis seule me dit « Quand ta mère reviendra, dis-lui qu’elle vienne aussitôt à la maison ». Il avait un visage tellement défait que je crois avoir compris immédiatement. J’ai posé la question « vous avez appris quelque chose sur André  ? » C’est la gorge serrée qu’il m’a répondu « Ton frère est mort en héros ». Et il m’a expliqué…Impossible d’oublier cette scène, trop ancrée dans ma tête.

        Dès son retour, ma mère n’a pas eu besoin d’explications. Quand je lui ai transmis la demande de notre ami, elle a immédiatement compris et est partie. A son retour, nous pleurons toutes les deux et je me rends alors compte que contre toute logique, elle a gardé l’espoir pendant ces  deux années, un tel espoir qui s’écroule et l’anéantit… Elle ne dit plus un mot, s’enferme dans son malheur et dans un mutisme insoutenable… Par l’intermédiaire de la mairie de Juvisy, nous avons pu envoyer un télégramme à mon père en zone libre. Il a pu nous rejoindre très vite et nous sommes partis pour MAIGNELAY-MONTIGNY. Bien qu’à seulement 90 kilomètres de Paris, c’était à l’époque une expédition pour y aller (très peu de trains, tous omnibus, avec changement - qu’il ne fallait pas rater - à Saint-Just-en-Chaussée). Enfin, nous arrivons.

         La gare était sur la commune de MONTIGNY devenue depuis Maignelay-Montigny. Nous nous adressons immédiatement au Café de la Gare où les propriétaires nous reçoivent plutôt froidement lorsque nous leur demandons des renseignements sur André, tué dans cette gare. Mon père leur explique que nous venons seulement d’apprendre, tout à fait par hasard que son fils avait été tué dans leur village. Ils sont très étonnés mais nous croient sans trop de peine et ils racontent…

        « André s’était trouvé le 9 juin 1940 avec un petit groupe de tirailleurs marocains, pris au piège dans la gare de Montigny, aux environs de midi. Il a refusé de se rendre et a continué de tirer avec sa mitrailleuse. Les Allemands l’ont eu à la grenade. Blessé mortellement à la tête, il est tombé sur sa mitrailleuse. Ensuite, les Allemands l’ont enterré dans la gare même et lui ont rendu les honneurs militaires. Ils lui ont tout laissé sur lui et ont inscrit sur sa tombe « Un capitaine français noir » (peut-être parce qu’il était avec des soldats noirs ?) Pas de nom. D’autres soldats étaient morts aussi dans cette gare et ont été enterrés sur place. Monsieur et Madame DUBOIS, propriétaires du café, ont tout vu de chez eux, c’était à 20 ou 30 mètres environ.. »

        Montigny étant plus ou moins rattaché à Maignelay, c’est le maire de cette commune qui était chargé de faire le nécessaire. Dans l’immédiat, avec cette débâcle, il ne pouvait sans doute rien faire. Monsieur et Madame  DUBOIS entretenaient la tombe précaire comme ils pouvaient.
        Neuf mois après seulement, les soldats enterrés dans la gare ont été exhumés pour être inhumés dans le cimetière de Maignelay. A ce moment, ceux qui avaient des papiers ont pu être identifiés, ce qui a été le cas pour André. Le maire de Maignelay a donc pu avoir, outre l’état-civil complet, notre adresse ainsi que l’adresse de ma grand-mère à Paris, mon frère ayant sur lui les lettres que les uns ou les autres lui avions envoyées au front). Il aurait paraît-il « fait le nécessaire » auprès de l’Etat-Civil de COMPIEGNE (ce qui était la démarche obligatoire pour les autorités allemandes) et…l’esprit serein, ne s’était plus préoccupé de  rien. Frileux ? Collaborateur ? Je n’en sais rien, mais dans tous les cas pas humain.

        Lors de la rencontre entre mes parents et le maire, mon père a fait de vifs reproches à ce dernier, lui disant qu’il aurait pu tenter de nous joindre directement, à titre tout à fait personnel…Buté, il se retranchait derrière la « légalité », il n’avait pas le droit d’agir ainsi vis-à-vis des allemands !!! Dieu merci, les résistants sont passés outre, sinon nous serions toujours occupés !

        Nous sommes allés au cimetière où nous avons trouvé la tombe d’André bien entretenue et fleurie. Des cultivateurs de Maignelay (des Belges) l’avaient prise en charge et remplaçaient ces parents « indifférents » qui n’étaient pas venus. Jamais je n’oublierai ces gens. Ils n’avaient pas notre adresse, savaient seulement que nous habitions près de Paris.

        Toutes les affaires relevées sur André lors de l’exhumation de 1941 ont été rendues à mes parents : livret militaire, carte d’identité, portefeuille, sa chevalière, sa montre arrêtée à midi heure de sa mort, des lettres, sa carte de scout, son chapelet scout etc….son portefeuille contenait le montant de sa dernière solde…

        Cette journée a été horrible…mais nous savions enfin. Nous sommes revenus à Juvisy avec toutes ces choses précieuses contenues dans un paquet  que ma mère a rangé et qu’elle n’a plus jamais voulu ouvrir. Elle y a seulement ajouté divers souvenirs tels que son Livret Scolaire, des lettres qu’il nous envoyait de Fontainebleau ou du front et…aussi des devoirs qu’il avait faits avant la guerre…Elle avait écrit sur le paquet « Affaires d’André » et avait ficelé le tout.

        Le temps s’est écoulé sous l’occupation qui continuait avec toutes ses contraintes que nous avions de plus en plus de mal à supporter.

        Et nous voici en 1944.…

        Les Allemands avaient bien des soucis, avec le front russe  notamment ! Et les Français commençaient à reprendre espoir.

        Puis vint le 17 avril 1944, il allait être 23 heures, la sirène s’est mise à hurler et presque en même temps des vagues d’avions ont lancé des fusées éclairantes sur la gare de JUVISY/ATHIS et sur la ville. Ce bombardement, je l’ai déjà raconté…Quand nous sommes sortis de l’abri au bout d’une heure environ, nous n’avions plus de  maison et le spectacle autour de nous était terrifiant….Nous avions tout perdu…

        Nous n’avons pu aller sur l’emplacement de la maison tant il y avait de bombes à retardement. C’était absolument interdit. Aucun espoir de retrouver quoi que ce soit : il y avait un immense cratère à la place de cette grande maison, et de l’eau dans le fond. Ma mère me disait : « ça m’est égal de ne rien retrouver, mais si seulement j’avais pu sauver les affaires de ton frère »…Mais comment, dans ce fatras ? Il n’y avait même pas un barreau de chaise !

        Mais le miracle s’est produit !

        Des scouts de Juvisy s’activaient au déblaiement des décombres. Plusieurs d’entre eux étaient des amis de mon frère et ma mère leur avait parlé de ce paquet…Un jour, dès qu’ils aperçoivent maman, ils lui crient: « Madame Lavaud, est-ce que c’est ça que vous recherchiez ? » Ils avaient ce fameux paquet, sale, maculé de sable et de terre, mais absolument intact…pas un trou dedans, toujours bien ficelé. La joie de ma mère faisait plaisir à voir. Elle m’a dit que ces jeunes étaient tellement heureux d’avoir pu lui donner cette joie.

        Quelle agréable conclusion dans toute cette tristesse.

        Merci à la Providence. Par l’intermédiaire de ce paquet, André revenait au sein de sa famille, en attendant ce retour définitif du 15 janvier 1949, dans un cercueil recouvert d’un drapeau tricolore et accompagné par les Pompiers de Juvisy et la sonnerie « Aux Morts » jouée par la Pro Patria. C’était…je n’ai pas de mots pour décrire l’émotion de tous.

        Que vous soyez croyants ou non, moi je persiste à  croire qu’André a été protégé pour que son souvenir reste et qu’un jour vous puissiez lire ce petit récit véridique, sans prétention de la part de l’auteur qui n’a eu d’autre but que de vous expliquer qui était ce frère qu’elle n’a jamais oublié.


                                Montpellier 27 mai 2005
                   
                                  Et 14 septembre 2009 

     

     

                                Ce texte, je l'avais tout d'abord écrit à la demande de mes enfants, pour qu'il reste dans les "archives" de la famille...Mais je pense qu'André n'a pas été le seul dans son cas, vouloir tout donner pour son Pays.

    Il était jeune, plein d'entrain, il aimait les études et...le chahut...Mais il aimait aussi son pays et pour lui, le devoir était important.... Alors, si un jour son histoire pouvait servir aux nouvelles générations...C'était comme on disait alors : un chic type.    
           




                  



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  • Commentaires

    1
    Vendredi 11 Novembre 2011 à 18:38

    cette histoire qui est la tienne, es sans doute aussi celle de bien d' autres .

     une terrible époque, due à la folie de quelques fous !

    Car ce fut bien une folie que de déclarer la guerre, à un pays surarmé et bien préparé, alors que la France secomplaisait dans une renommée passée .

    Et je trouve bien triste qu' on finisse par se  réjouir d' enfin savoir ce qu' est devenu celui qui est parti et dont on a plus de nouvelle !

    Il faut aussi se souvenir qu' Hitler a pu agir, parce qu' il y avait un chômage endémique en Allemagne !

    On devrait se faire la réflection de os jours

     bonne soirée

     bisous

    2
    Vendredi 11 Novembre 2011 à 19:22

    Cette histoire de ma famille est celle de bien d'autres en effet. Nous n'étions absolument pas prêts à faire la guerre et nous avons été trompés....
    Le chômage en Allemagne a aidé Hitler...et moi je pense à cette époque et à certaines similitudes...

    3
    Vendredi 11 Novembre 2011 à 20:29

    Sacrifices et souffrances inutiles.

    Les guerres profitent à certains, mais jamais au peuple, aux populations civiles. Certaines périodes sont plus propices que d'autres aux grands et violents conflits. Il n'ya pas de guerre sur le sol français mais que nous réserve l'avenir ?

    Je vous souhaite une excellente fin de journée.

    Je vous embrasse.

    4
    Vendredi 11 Novembre 2011 à 20:49

    Vous rejoignez ce que je pense....Il n'y a pas de "vraie" guerre sur notre sol, mais tant d'autres conflits divers qui font bien du mal. Que nous réserve l'avenir ? bonne question ...
    Bonne soirée. Bises.

    5
    Vendredi 11 Novembre 2011 à 20:58

    Le 11 novembre est sacré... Mais décrèter une journée des "morts pour la France", pourquoi pas ? Il y a eu aussi tellement de morts de 1939 à 1945, et ensuite....
    Le mot Nation évoquerait peut-être quelque chose aujourd'hui s'il était appris à l'école, comme on nous l'apprenait jadis...Peut-être y a-t-il des lacunes de ce côté ? Nation, Pays, Patrie....mots désuets ?

    6
    Samedi 12 Novembre 2011 à 11:15

    un petit passage pour te souhaiter une bonne fin de semaine

    bisous

    7
    Samedi 12 Novembre 2011 à 13:07

    Merci ami fidèle ! Bonne fin de semaine à vous aussi.

    8
    Samedi 12 Novembre 2011 à 13:14

    Le drame a été pour tout le monde, vainqueurs et vaincus... Il y a des chics types partout et inversement des "mauvais" partout...Toute cette époque est le sujet de bien des réflexions...

    9
    Samedi 12 Novembre 2011 à 15:38

    Il m'a fallu interrompre la lecture de ce témoignage poignant, pour reprendre le courage de surmonter l'émotion qu'il a suscité.

    On pleure sur ces vies trop tôt et trop violemment arrêtées dont l'enthousiasme et la générosité ont été profanés non seulement par la guerre, mais aussi par la lâcheté et l'indifférence de certains de nos concitoyens.

    André faisait partie de ces personnes très spéciales que la mémoire et la Providence honoreront à jamais.

    Je vais acheter votre livre et en faire cadeau à ma mère qui a vécu ces heures douloureuses.

    10
    Samedi 12 Novembre 2011 à 20:23

    Merci infiniment pour ce commentaire, et merci pour le livre. J'ai publié cet article hier, au nom de tous les "Morts pour la France". Le cas de mon frère n'a pas été isolé. Combien de jeunes de 1939, plein d'ardeur, ont été tués en juin 1940, parce que...nous n'étions pas prêts...On avait cru tout ce qui était dit et qui n'était alors que mensonges... Ils étaient si généreux ces jeunes...

     

    11
    Lundi 14 Novembre 2011 à 18:49

    Je n'ai jamais pu avancer sur la lecture de ce passage... quant à le commenter...

    Ce texte est trop poignant. Et bouleversant.

    12
    Lundi 14 Novembre 2011 à 19:07

    Et tellement vrai !

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    13
    Jean-François
    Mardi 11 Mars 2014 à 20:52

    Qu'on décrète une journée pour "les morts pour la France" si l'on veut, mais qu'on ne touche pas au 11 Novembre. C'était et celà restera la première guerre mondiale. Mobilisation, patrie, citoyenneté et fraternité d'un pays. La souffrance, le sens de l'effort, les privations, pour tous. Que reste-t-il de tout ça aujourd'hui ? des conflits que personne ne souhaite, en Afganistan ou ailleurs, qui ne sensibilise qu'une minorité et pour cause. Non, c'est se moquer de la nation, si ce mot évoque encore quelque chose aujourd'hui.

    14
    Pimprenelle Des Hèch
    Mardi 11 Mars 2014 à 20:52

    "Ces jeunes qui ont un idéal qui défendent leur pays, vous rappellent votre frère" si patriote, si courageux.....Un de mes oncles par alliance, mari de la soeur de mon père, est Allemand. Walter a défendu sa patrie l'Allemagne, avec courage à l'âge de 16 ans. Il ne savait pas, ce que nous ne pouvions connaître des horreurs de ce conflit. Ce n'est qu'après, bien après que Walter, découvrit l'inimaginable. Hitler avait hynoptisé son peuple, en leur donnant une fierté, de l'honneur, du travail et en gratifiant les valeurs auxquelles je suis moi-même attachées. En vous lisant ce matin, je me suis interrogé : peut-on servir sa nation, sans scrupule ? Et si j'avais été Allemande, vous, votre frère, et d'autres, aurions-nous servi ce dictateur ? Dès 1933, Hitler a épuré son pays. Ceux qui pouvaient, et qui en avaient les moyens, sont partis et les autres qui avaient des idéaux, les pauvres sont restés. Pendant longtemps la famille paternelle a occulté ce couple à cause des deux oncles morts en déportation peut-être. Lors du mariage de ma soeur en 1983, mon père avait convié Mauricette et Walter. Il est un chic type lui aussi. Amicalement. Pimprenelle.

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