•                                    Je ne veux pas raconter à nouveau cette période si difficile à vivre. Essayer de faire parvenir un télégramme à mon père, ce que nous avons pu faire par l'intermédiaire de la mairie de Juvisy et pour moi, ne pas quitter ma mère ne serait-ce que quelques minutes... Malgré ce qu'elle disait avant cette date terrible, j'avais pu constater qu'elle gardait un espoir insensé. Et là, c'était pour elle l'effondrement total. Nous avions eu très peu de détails sachant seulement que la tombe d'André avait été retrouvée par cet homme que nous ne connaissions pas, tout à fait par hasard, alors qu'il circulait dans le cimetière de Maignelay en allant se recueillir sur la tombe de son père décédé quelques mois auparavant ! Le nom l'avait frappé.....Dès l'arrivée de mon père, nous sommes partis à Maignelay-Montigny ce qui représentait une expédition à cette époque, bien qu'étant seulement à 90 kilomètres de Paris. Très peu de trains, tous omnibus, très lents....Arrivés là-bas, nous avons tout appris ... Petite (toute petite consolation) la tombe d'André était très bien entretenue, les gens du pays s'en occupant puisque les parents semblaient s'en désintéresser ! Le maire leur avait dit que les parents avaient été prévenus, mais qu'ils ne s'étaient pas dérangés ....Sans commentaire....(voir Oise-1939-1945).

                                          Et nous avons bien été obligés de reprendre cette vie impensable avec en plus la certitude pour mes parents de ne jamais revoir ce fils si brillant et si gai, toujours en mouvement et prompt à rendre service à qui en avait besoin. Quant à moi, il me semblait tout bonnement impossible de ne plus compter avec ce grand frère avec lequel j'étais si liée et que j'admirais, oh combien !

                                          Mais voilà, sans jamais rien oublier, nous avons continué à vivre, si l'on peut dire ! de cette drôle de vie que l'occupant nous imposait, cette vie de peurs, de peines, de pleurs. Je crois que lorsqu'on est pris dans une telle tourmente, le seul objectif est "survivre" tant bien que mal ! Nous manquions de tout comme tout le monde ou presque, mais que faire ? Essayer simplement de saper le moral de l'occupant ce que faisaient la Résistance par de grands actes, et ce que nous faisions par des actes à notre portée, journellement. A cette époque, les allemands étaient furieux de voir que les françaises étaient restées coquettes ! mais c'était une réaction, il fallait faire comprendre que les français n'étaient pas si stoïques...Un petit exemple : j'ai dit que ma mère était lorraine et qu'elle allait tous les jours écouter la radio anglaise chez des voisins...Sa résistance à elle, c'était de revenir après l'heure du couvre-feu !!!ça m'inquiétait beaucoup...mais elle disait qu'elle n'avait pas à leur obéir ! ça semble peut-être ridicule à certains, mais c'est un exemple parmi tant d'autres. La résistance à coups d'épingles, ça arrive à déstabiliser et à être énervant.

                                           1943  et début 1944, nous commencions à reprendre espoir; l'armée allemande avait de sérieux soucis sur le front Russe et un peu partout.  Et nous le faisait supporter ! Nos jeunes partaient pour le service du travail obligatoire ce fameux STO qui a vu cette déportation massive....Déportées aussi les familles juives...les résistants également. Je me souviens de Jean Legourd, cet ami d'André, scout comme lui, mort à Buchenwald.... Chaque famille française était dans la peine. Les jeunes qui le pouvaient rejoignaient le maquis ou se cachaient avec des cartes d'identité faites en série et peut-être pas tout à fait légalement ! ça, j'en ai fait pas mal avec des collègues et sous la bénédiction du commissaire de Police d'Athis, mon patron depuis fin 1943 ! 

                                            Nous espérions un débarquement allié, ce qui a eu lieu le 6 juin 1944. Mais avant cette date
    de gros bombardements ont eu lieu sur Paris et la région parisienne. Le 18 avril 1944, la gare de triage de Juvisy/Athis a été bombardée....(site web "dandylan.over-blog.com") Cette nuit du 18 avril, je ne l'oublierai jamais. Y-at-il un seul jour sans que j'y pense ? je ne crois pas. Nous avons subi ce bombardement pendant une heure et en sortant de l'abri, plus rien qu'un spectacle de désolation....Nous n'avions plus de maison, plus de souvenirs, rien....Combien avons-nous été dans ce cas ? Des morts par centaines, des sinistrés.... Pour ma mère, c'est ce que j'ai appelé le coup de grâce .

                                            S'il y avait un prix à payer pour obtenir notre libération et voir partir l'envahisseur, nous l'avons amplement payé, mais ça semblait quand même bon d'être vivants !

                                            Quelle a été notre jeunesse ? Il y aurait beaucoup à dire et à écrire.... Je regrette de ne pas être écrivain ou historienne ! je pourrais développer ce sujet pendant des jours et des jours et il ne serait jamais épuisé....

                                             Puis vint la Libération......

                                         
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  •                          Juillet - Août 1940 - etc...

                             Après ce retour d'exode seules ma mère et moi nous retrouvons à la maison. Mon père est en zone libre et aucune nouvelle d'André. Parmi toutes les choses nouvelles auxquelles nous devons nous habituer, il y a la plus difficile : Attendre, attendre encore et toujours !Attendre le facteur trois fois par jour avec cet espoir qui s'amenuise de jour en jour : recevoir des nouvelles d'André...Etait-il prisonnier, était-il passé en Angleterre pour y continuer le combat, était-il (ce mot auquel nous pensions mais que nous ne voulions pas prononcer).....Guetter le moindre signe... Rien...Nous écrivons partout, à la Croix Rouge Française, à la Croix Rouge Suisse, même à la Croix Rouge allemande....En vain ! Mon père en fait autant de son côté. Il essaie de contacter l'armée (ou ce qui en reste)...On le renvoie d'un bureau à l'autre et le temps passe.

                             Maman qui, malgré tout, veut espérer, prépare des conserves pour le cas où on nous aviserait qu'André a été fait prisonnier. Ces conserves sont constituées en grande partie par les poules, lapins et autres que nous avons fait passer de vie à trépas puisque nous ne pouvions plus les nourrir ... Les rôles étaient inversés, nous ne pouvions les nourrir, donc ils nous nourrissaient ! 

                             A ce souci permanent, s'en ajoutaient d'autres...il fallait trouver du travail, trouver de la nourriture puisque celle-ci nous était mesurée, oh!combien ! Heureusement nous avions un grand jardin...S'il contenait avant la guerre fleurs et légumes, il est devenu entièrement potager et nous a rendu d'immenses services ! Mais tout ça, c'était ma mère qui s'en occupait....toujours sans se plaindre. Plus question d'études dans l'immédiat. Nous avons pu trouver tant bien que mal du travail par l'intermédiaire d'amis dévoués. Pour la nourriture, aïe, à condition de ne pas avoir un trop gros appétit on a "tenu le coup".... avec juste quelques grammes de viande, de pain, de beurre . Tout était mesuré, rationné, agrémenté de tickets de toutes sortes et de toutes couleurs ! Ah ! si, j'oubliais, nous avions des rutabagas ! ça, c'était le truc qui vous creusait l'estomac au lieu de le remplir ...par quel mystère, je n'en sais rien.... Ma mère, très bonne cuisinière, arrivait à faire des plats mangeables, je ne sais pas comment elle s'y prenait. Mais quel souci pour elle....Est-ce que je m'en rendais bien compte ? hum...j'avais à peine 18 ans.... Et pour tout arranger, l'hiver 1940/1941 a été très rigoureux. Bien entendu, pas de charbon pour chauffer toute la maison ! Gaz et électricité étaient coupés plusieurs heures par jour.....Autrement dit, c'était une vie de chateau (enfin de chateau du moyen âge)..

                              Nous n'étions bien évidemment pas les seules dans ce cas. Chaque famille avait soit des prisonniers, soit quelqu'un qui avait été tué...Je crois que les femmes se sont montrées très fortes, sans doute poussées par les évènements bien sûr, mais avec beaucoup de courage ! Celles qui avaient des jeunes enfants devaient faire des prodiges acrobatie pour que leur petit monde survive...

                              1941...début 1942, rien de spécial. Toujours cette attente de plus en plus atroce...Famille, amis, voisins, tous prenaient part à notre inquiétude . Qu'était devenu André, ce garçon si gai, si remuant, si débrouillard qu'on pensait que s'il était toujours en vie, il serait arrivé à nous le faire savoir d'une façon ou d'une autre...Ma mère allait tous les soirs écouter la radio anglaise chez des voisins (notre poste, trop vieux, ne nous permettait pas de capter cette émission). Elle espérait avoir peut-être quelques indices....

                               Et ce 31 mars 1942 que je ne peux oublier...... Nous apprenons par le collègue d'un voisin qu'il a retrouvé tout à fait par hasard à MAIGNELAY dans l'Oise, la tombe d'un Aspirant du 12ème RAC, portant les mêmes nom et prénom que mon frère....Horrible cette soirée que j'ai racontée dans ce récit "LE RETOUR" qui peut être lu sur le site web "l'Oise-1939-1945". Tout s'écroulait, plus aucun espoir, c'était terminé....André avait été tué lors des combats de l'Oise le 9 juin 1940....Je m'aperçois alors que maman avait toujours gardé un petit espoir, minime peut-être, mais espoir quand même ....

                                Il fallait apprendre à vivre avec cette idée.... Comment est-ce possible ? Depuis bientôt deux ans, mon frère n'était plus et parce que le maire d'une commune avait voulu "respecter les règlements" édictés par les occupants, nous n'avions pas été prévenus...Sur mon frère, on avait retrouvé tous ses papiers avec notre adresse, l'adresse de mes grands-parents, enfin tout pour que, discrètement, il prévienne mes parents. Il n'avait pas le droit a-t-il répondu à mon père....Est-ce que les résistants eux, avaient le droit de faire ce qu'ils faisaient ? non, mais ils avaient le courage ! et ça, ce n'est pas donné à tout le monde....

                                Et il a bien fallu que la vie continue....
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  •                      Pour la dernière fois, Noël 1939 nous voit réunis, mon père et mon frère ayant eu une permission. Le savions-nous que cela ne se reproduirait plus ? Personne n'en disait rien....

                          Et voici 1940, avec toutes ses incertitudes. Cette "drôle de guerre" comme on l'a appelée, laissait tout le monde perplexe et en tout premier lieu les militaires dont certains, il faut bien le dire s'ennuyaient ferme...Quelques escarmouches par-ci,par-là, mais surtout l'inaction ...Nous écoutions à la "TSF", tous les jours, les communiqués officiels, laconiques : "Rien à signaler sur l'ensemble du front".  La ligne Maginot était gardée (enfin, en principe).... Mon père était mobilisé à PARIS, dans la DCA (ou DAT ? je ne me souviens plus). Quant à André, il poursuivait ses études à l'Ecole d'Application d'Artillerie à FONTAINEBLEAU et en même temps son instruction militaire. Vers la fin avril 1940, il sort de cette Ecole 12ème de sa promotion, très bonne place qui lui donne la possibilité de choisir son régiment. Il est maintenant Aspirant et choisit le 12ème RAC qui se trouve sur le front de l'Est. Il aurait pu aller comme instructeur dans le centre de la France mais explique que, s'il s'est engagé, ce n'est pas pour "aller se planquer"... Après une courte permission passée en partie à Juvisy et partie en Lorraine chez mes grands-parents , il rejoint son Unité. Nous ne le reverrons jamais !

                            Le 10 mai 1940 Hitler fait envahir la Hollande, la Belgique, le Luxembourg.....Nous comprenons que la guerre commence. Des hordes de réfugiés du Nord, de l'Est, commencent à partir sur les routes en emportant ce qu'ils peuvent....A PARIS, on commence à avoir peur tout en ayant toujours confiance en notre armée...Dans le Nord et l'Est de la France, on se bat. C'est vraiment la guerre avec toute ses horreurs...Mes parents et moi sommes inquiets pour mon frère dont les nouvelles se font très rares, pris qu'il était dans cette tourmente...tout ceci, je l'ai déjà raconté dans un petit texte intitulé "LE RETOUR" (site web :"L'Oise.1939-1945"). C'est une période horrible pour nous...Elle se résume en deux mots : attendre et craindre....

                               Et c'est l'exode de Juin. Il nous faut quitter la maison. Je pars la première avec une partie de notre famille, maman ne voulant pas partir sans avoir des nouvelles d'André. Elle est obligée de partir quand même mais ne peut nous rejoindre. Nous sommes donc séparées. Mon père a quitté Paris avec son unité, pour se replier dans le sud-ouest. Quelle pagaille et que de morts encore en perspective sur les routes. Nous étions mitraillés et bombardés par les avions allemands mais aussi italiens....Cet exode durera jusqu'à la signature de l'armistice...La France est exangue...Et cela fait mal même lorsqu'on est encore jeune. Comment a-t-on pu en arriver là ?

                               Nous nous retrouvons enfin à la maison. Nous apprenons que mon Père est en vie, mais d'André, toujours aucune nouvelle....Nous recevons une carte de lui, datée du 3 juin, mais qui arrive avec beaucoup de retard....Il y a tant de prisonniers que nous gardons l'espoir...

                               Et il nous faut apprendre à vivre sous l'occupation, avec tout ce que cela comporte ! Moralement, c'est affreux ! Ma mère est Lorraine et se souvient... Pour la vie de tous les jours, les difficultés commencent ! Nous devons tous nous organiser et heureusement que le français est réputé "débrouillard" ! Faire des repas avec presque rien, il faut en avoir de l'imagination ! Je vous raconterai.....
                        

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  • 3 septembre 1939 -

                             Les années d'insouciance étaient terminées sans que mon frère et moi surtout en soyions bien conscients. André devait avoir 18 ans le 4 septembre et après une année en mathématiques spéciales s'apprêtait à entrer en classe préparatoire à Polytechnique. Moi, je cherchais encore ma voie (!) et mon père m'avait dirigée sur le Droit et le Secrétariat. Je n'aimais pas trop ni l'un, ni l'autre ! ma passion, c'était le dessin donc rien à voir ! Mais mon Père m'avait alors répondu "le dessin ?  c'est un métier de crève-la-faim". C'était clair, il ne voulait pas en entendre parler pour un métier en m'ajoutant toutefois qu'il ne voyait aucun inconvénient à ce que je continue les cours de dessin que je suivais déjà avec mon ancien professeur, Camille Lambert qui lui, me poussait fortement dans cette voie. Camille Lambert était un artiste extraordinaire que j'admirais. Je l'avais eu comme professeur à l'école de Juvisy et au cours qu'il donnait tous les dimanches matin dans une salle de la Mairie de Juvisy. J'ai assisté à ses cours jusqu'en avril 1944....La liberté , pour les filles notamment, à cette époque, n'était pas courante. Et mon père par ailleurs très près de nous, était assez dirigiste (ancien régime quoi......). Etant donné ce qui nous attendait, le Droit et la machine à écrire m'ont rendu plus de services que le dessin et j'ai fini par y prendre goût ! Mais dans l'instant, j'étais déçue et furieuse !

                              Cette année scolaire 1938/1939 s'est donc passée d'une façon un peu chaotique...on parlait de guerre imminente, on croyait que tout s'arrangeait, on reparlait de la guerre..."J'y vas-t-y, j'y vas-t-y pas " comme dans la chanson.  L'été 1939, beaucoup d'hommes étaient mobilisés et mon frère est parti avec les scouts aider pour toutes les récoltes, arrachage des pommes de terre et autres travaux des champs. L'ambiance était inquiétante...Fin Août,  tout se précipitait. André est revenu à la maison et a prévenu mes parents que si la guerre éclatait, il s'engageait.... Le 3 septembre, déclaration de guerre et le 4 septembre, anniversaire d'André qui atteignait ses 18 ans...

                              Je me souviens de ce dimanche 3 septembre. La gare de Juvisy étant une importante gare de triage, tous les trains militaires passaient par là, de même que les trains de réfugiés du Nord, d'Alsace-Lorraine... Les militaires montaient vers la ligne Maginot et les réfugiés descendaient de cette région... Nous étions allés avec mes parents jusqu'à la gare et comme je pleurais mon père m'a dit "tu pleures déjà, eh bien, tu n'as pas fini. La guerre, c'est affreux". Il faut dire qu'il avait le souvenir de la Grande Guerre ! Et sa réflexion était prémonitoire car les occasions de pleurer n'ont pas manqué pendant toutes ces années !

                              Quelques jours après, André ayant fait toutes les démarches pour son engagement, partait provisoirement rejoindre l'Ecole d'Application d'Artillerie à Fontainebleau et mon père était mobilisé. Nous restions donc seules ma mère et moi ...Terminées  l'insouciance et l'adolescence. Je devenais responsable....

                               Comme dans beaucoup de familles, il fallait apprendre à vivre autrement, et même à survivre parfois. Dire que c'était toujours facile, je n'oserais pas !  Heureusement que ça aide bien d'être jeune, on pense que tout peut être surmonté....optimisme ? non même pas. En ce qui me concerne, je crois que je vivais au jour le jour pensant "qu'on verrait bien". Ma mère était très inquiète mais ne se plaignait pas. Avec le recul, j'ai un peu honte du courage dont elle faisait preuve sans rien dire. Je pense que pour que mes nuits soient bonnes, les siennes n'ont pas toujours été calmes et reposantes.

                               Et ce fût la débâcle et l'exode.....

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  •                      Notre petite enfance s'écoulait donc comme celle de tous les enfants...Ecole, famille, vacances...Pour ces dernières, lorsque nous étions très jeunes, nous allions en Lorraine chez mes grands-parents. Pas de voiture à l'époque et aller en Lorraine relevait d'une véritable expédition ! Nous partions de Juvisy le soir direction Paris où nous prenions un train à la gare de l'Est. Les trains n'étaient pas confortables, mais cela nous était égal, nous étions euphoriques à l'idée d'aller retrouver ces grands-parents que nous adorions et qui nous le rendaient bien ! Le voyage durait toute la nuit (je précise que nous étions assis sur des banquettes en bois...nos parents nous allongeaient tant bien que mal pour que nous puissions nous reposer. Nous, mais pas eux !!! Au petit jour, nous arrivions en gare de Tantonville et là, quelle joie ! nous nous prenions au moins pour des princes ...une carriole avec un cheval nous attendait pour nous transporter à cinq kilomètres, à Affracourt.  C'était un voisin de mes grands-parents qui avait la gentillesse de venir nous récupérer ! C'était bringuebalant au maximum , mais passionnant ! J'entends encore le bruit des sabots du cheval et cette carriole qui roulait dans des chemins qui n'avaient rien à voir avec les autoroutes actuelles (ni même avec une simple route) .... Mais nous étions trop heureux pour nous plaindre. Heureux aussi d'aller en vacances ce que tous nos petits camarades ne faisaient pas.... Je vous parle de la fin des années 1920, tout début des années 1930.  Peu de gens avaient cette chance. Savions-nous l'apprécier ? je n'en suis pas certaine...

                            Et c'était l'arrivée à Affracourt. Le scénario était immuable...grand-mère fondait en larmes ! Mais en bonne Lorraine elle posait cette question qui amusait mon père (qui, bien que son gendre était son "chouchou") "Et quand est-ce que vous repartez" !!! ça, c'est lorrain. Avez-vous déjà entendu raconter "La Première Communion du Gamin", sketche de Georges Chepffer (je ne suis pas très sûre de l'orthographe)? non, c'est dommage ! Je ne sais pas pourquoi le Lorrain a besoin de savoir....C'était comme ça jadis...il y a bien longtemps.

                             Là-bas, pour nous c'était la liberté...courir dans les prés, aller à la vigne avec mon grand-père, donner à manger aux bêtes avec ma grand-mère ! tout ce que nous n'avions pas l'habitude de faire ! Et il y avait l'attelier de mon grand-père, ébéniste de son état et qui faisait et restaurait de si jolis meubles ! Je le revois, lorsqu'il venait de rabotter une planche, il la caressait avec le revers de sa main ! ah ! il aimait son métier. Et il y avait cette odeur de colle à bois que nous respirions avec bonheur ! Les souvenirs sont faits de visions, mais aussi de beaucoup d'odeurs.

                             Et pour terminer nos vacances, les derniers jours, nous assistions aux vendanges ! La vigne de mon grand-père n'était pas très grande ! il faisait juste son vin pour l'année et...ce petit vin gris qui, entre nous, vous tourne la tête vite fait si vous n'y prenez garde (et il est très agréable à boire).  Ces vendanges, c'était vraiment la fête ! tous les gens du village venaient aider grand-père; ça se passait comme ça, un jour les vendanges chez l'un, une autre fois chez un autre et ainsi de suite. On s'aidait à tour de rôle... Moi, ce qui m'intéressait surtout , c'était ce que faisait grand-mère pour tous ces gens ! Elle allumait le four à pain dans cette grande cuisine sombre (et pas très bien pavée), et préparait une quantité de bonnes choses : quiches lorraines, tartes aux mirabelles, aux quesches etc...et tant d'autres mets succulents....Comme on dit là-bas "jamais que c'était bon" ! Et puis arrivait la veillée avec les chansons, les rires....Pour nous, enfants de la ville,  c'était merveilleux. . Jamais je n'ai oublié cette période de ma vie.

                             Et puis, les années ont passé, nous sommes allés en vacances à la mer, mes grands-parents sont venus à Juvisy passer quelques mois, mais en regrettant leur vie lorraine...

                             Nos études se poursuivaient et nous donnaient du travail et aussi des soucis...D'autant plus que les bruits de guerre étaient de plus en plus présents... 1938 beaucoup de réservistes avaient été rappelés, puis libérés, puis rappelés en mars 1939 puis....ce fut la mobilisation générale le 2 septembre 1939 et la déclaration de guerre le 3 septembre... et le départ de mon père, appelé, et de mon frère engagé volontaire.

                            La fin de la paix a marqué la fin de la jeunesse de toute une génération. 
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