• Les années difficiles....l'occupation...

                             Juillet - Août 1940 - etc...

                             Après ce retour d'exode seules ma mère et moi nous retrouvons à la maison. Mon père est en zone libre et aucune nouvelle d'André. Parmi toutes les choses nouvelles auxquelles nous devons nous habituer, il y a la plus difficile : Attendre, attendre encore et toujours !Attendre le facteur trois fois par jour avec cet espoir qui s'amenuise de jour en jour : recevoir des nouvelles d'André...Etait-il prisonnier, était-il passé en Angleterre pour y continuer le combat, était-il (ce mot auquel nous pensions mais que nous ne voulions pas prononcer).....Guetter le moindre signe... Rien...Nous écrivons partout, à la Croix Rouge Française, à la Croix Rouge Suisse, même à la Croix Rouge allemande....En vain ! Mon père en fait autant de son côté. Il essaie de contacter l'armée (ou ce qui en reste)...On le renvoie d'un bureau à l'autre et le temps passe.

                             Maman qui, malgré tout, veut espérer, prépare des conserves pour le cas où on nous aviserait qu'André a été fait prisonnier. Ces conserves sont constituées en grande partie par les poules, lapins et autres que nous avons fait passer de vie à trépas puisque nous ne pouvions plus les nourrir ... Les rôles étaient inversés, nous ne pouvions les nourrir, donc ils nous nourrissaient ! 

                             A ce souci permanent, s'en ajoutaient d'autres...il fallait trouver du travail, trouver de la nourriture puisque celle-ci nous était mesurée, oh!combien ! Heureusement nous avions un grand jardin...S'il contenait avant la guerre fleurs et légumes, il est devenu entièrement potager et nous a rendu d'immenses services ! Mais tout ça, c'était ma mère qui s'en occupait....toujours sans se plaindre. Plus question d'études dans l'immédiat. Nous avons pu trouver tant bien que mal du travail par l'intermédiaire d'amis dévoués. Pour la nourriture, aïe, à condition de ne pas avoir un trop gros appétit on a "tenu le coup".... avec juste quelques grammes de viande, de pain, de beurre . Tout était mesuré, rationné, agrémenté de tickets de toutes sortes et de toutes couleurs ! Ah ! si, j'oubliais, nous avions des rutabagas ! ça, c'était le truc qui vous creusait l'estomac au lieu de le remplir ...par quel mystère, je n'en sais rien.... Ma mère, très bonne cuisinière, arrivait à faire des plats mangeables, je ne sais pas comment elle s'y prenait. Mais quel souci pour elle....Est-ce que je m'en rendais bien compte ? hum...j'avais à peine 18 ans.... Et pour tout arranger, l'hiver 1940/1941 a été très rigoureux. Bien entendu, pas de charbon pour chauffer toute la maison ! Gaz et électricité étaient coupés plusieurs heures par jour.....Autrement dit, c'était une vie de chateau (enfin de chateau du moyen âge)..

                              Nous n'étions bien évidemment pas les seules dans ce cas. Chaque famille avait soit des prisonniers, soit quelqu'un qui avait été tué...Je crois que les femmes se sont montrées très fortes, sans doute poussées par les évènements bien sûr, mais avec beaucoup de courage ! Celles qui avaient des jeunes enfants devaient faire des prodiges acrobatie pour que leur petit monde survive...

                              1941...début 1942, rien de spécial. Toujours cette attente de plus en plus atroce...Famille, amis, voisins, tous prenaient part à notre inquiétude . Qu'était devenu André, ce garçon si gai, si remuant, si débrouillard qu'on pensait que s'il était toujours en vie, il serait arrivé à nous le faire savoir d'une façon ou d'une autre...Ma mère allait tous les soirs écouter la radio anglaise chez des voisins (notre poste, trop vieux, ne nous permettait pas de capter cette émission). Elle espérait avoir peut-être quelques indices....

                               Et ce 31 mars 1942 que je ne peux oublier...... Nous apprenons par le collègue d'un voisin qu'il a retrouvé tout à fait par hasard à MAIGNELAY dans l'Oise, la tombe d'un Aspirant du 12ème RAC, portant les mêmes nom et prénom que mon frère....Horrible cette soirée que j'ai racontée dans ce récit "LE RETOUR" qui peut être lu sur le site web "l'Oise-1939-1945". Tout s'écroulait, plus aucun espoir, c'était terminé....André avait été tué lors des combats de l'Oise le 9 juin 1940....Je m'aperçois alors que maman avait toujours gardé un petit espoir, minime peut-être, mais espoir quand même ....

                                Il fallait apprendre à vivre avec cette idée.... Comment est-ce possible ? Depuis bientôt deux ans, mon frère n'était plus et parce que le maire d'une commune avait voulu "respecter les règlements" édictés par les occupants, nous n'avions pas été prévenus...Sur mon frère, on avait retrouvé tous ses papiers avec notre adresse, l'adresse de mes grands-parents, enfin tout pour que, discrètement, il prévienne mes parents. Il n'avait pas le droit a-t-il répondu à mon père....Est-ce que les résistants eux, avaient le droit de faire ce qu'ils faisaient ? non, mais ils avaient le courage ! et ça, ce n'est pas donné à tout le monde....

                                Et il a bien fallu que la vie continue....
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