• Il nous arrivait de rire....

                                          A cette époque si triste pour la plupart des gens, cette période de 1939 à 1945 dont je parle beaucoup, peut-être même un peu trop, oui, il nous arrivait de rire ! Rire parce que des petites situations étaient drôles, rire pour des riens, en ce qui concerne les jeunes  de mon âge, rire justement parce que nous étions jeunes et que c'est un besoin vital ! Pour ma mère qui pourtant n'avait aucune raison de rire, simplement parce qu'elle me voyait joyeuse....Sait-on toujours pourquoi on rit ? Surtout à 20 ans....Mais Dieu, que ça fait du bien !

                                          Fin d'été 1940, nous venions de revenir de cet exode sur les routes, pour retrouver notre maison intacte et nos animaux, dont ce chat tout noir, appelé Mickey et que ma mère en partant avait confié à une voisine qui n'avait pas voulu partir de chez elle. Elle s'était très bien occupée de notre matou, un animal adorable et qui ne demandait que des caresses....et un peu de nourriture bien sûr. Elle lui avait ouvert et son coeur, et sa porte ce qui fait que Mickey avait deux domiciles. Il était un  peu pique-assiette. Enfin, on lui pardonnait tout...Un jour, j'étais chez nous et j'entends crier dans la rue "au voleur, au voleur, arrêtez-le". Je me précipite à la fenêtre et je vois notre voisine armée d'un balai et qui, en criant, courait derrière un chat hyper-agile qui s'enfuyait en traînant derrière lui un....chapelet de saucisses....Personne ne pouvait le rattrapper ni surtout récupérer son butin ! notre voisine qui venait de "faire une bonne affaire" alors que les restrictions étaient déjà bien là , se voyait dépossédée d'un bon repas! C'était notre chat qui, ayant ses grandes et petites entrées chez cette dame et "parce que quelque diable aussi le tentant", s'était servi tout seul ! Et moi, j'ai honte maintenant, mais j'ai été prise d'un fou rire ! on aurait dit un dessin animé....J'aurais dû m'excuser, mais je ne pouvais pas...C'était trop drôle....Nous n'avons pu émettre qu'une recommandation : ne plus faire entrer ce voleur ! Je pense qu'il avait très faim, comme tout le monde. 

                                            En 1942, peu de temps après cette horrible nouvelle que nous venions d'apprendre, la mort de mon frère...Dans le village de l'Oise où il était inhumé, des cultivateurs charmants entretenaient sa tombe et s'étaient liés d'amitié avec nous. Ils nous écrivaient lorsqu'ils arrivaient à tuer veau ou cochon sans passer par la filière normale, pour que nous essayions de nous rendre là-bas. Et nous revenions avec quelques provisions de viande, de farine, d'oeufs....ou autres choses qui nous faisaient défaut et qu'ils nous donnaient, ce qui faisait doublement plaisir ! C'était très gentil de leur part et ça nous rendait tellement service ! Nous passions par la gare du Nord à Paris ! c'était une véritable expédition...il y avait si peu de trains ... Un soir que nous revenions avec deux cabas, l'esprit pas très tranquille puisqu'il y avait des contrôles, nous entendons courir derrière nous sur le quai de la gare et appeler en mauvais français "Madame, madame"...Maman était en grand deuil, elle n'avait déjà pas beaucoup de couleurs, mais là, elle était livide et je devais être dans le même état ! C'était un soldat allemand qui l'appelait...Je ne sais jusqu'à combien peut battre un coeur en cas de frayeur, mais je crois que l'une et l'autre étions au maximum. Maman s'arrête et le soldat lui dit "Madame, bouteille cassée dans votre sac, ça coule"....Que faire ? que dire ? nous n'avions pas de bouteille, mais simplement un bon gros lapin bien vivant (pour l'instant), et qui soulageait sa vessie ! et évidemment, ça passait au travers du sac ! Maman a répondu "oui, je sais, c'est pas grave". Que faire d'autre ??? Le pire, c'est que cet allemand voyant ma mère chargée, lui a pris le sac des mains ! et...nous avons passé les contrôles sans encombre ...Cette peur, nous ne l'avons jamais oubliée, mais elle a fini par déclencher entre nous une crise de rire inextinguible ! Toute notre peur ressortait par ce rire.... On se voyait déjà à la kommandantur et peut-être même en prison......Il en fallait si peu à l'époque ...tout ça pour un pipi de lapin !

                                            Ce sont des petites histoires insignifiantes...Il y en a eu bien d'autres que j'ai déjà racontées, (site Dandylan )d'autres me reviendront encore à l'esprit... C'était si bon de rire même pour des bêtises....Et les occasions n'étaient pas nombreuses, il fallait en profiter .


                                          
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  • Commentaires

    1
    Vendredi 20 Juin 2008 à 14:35

    Ma maman, enfant pendant la guerre (elle est de 32) m'a raconté des souvenirs de situations qui peuvent très vite tourner à la catastrophe.......Son père faisant de la résistance, les enfants passaient quelquefois des armes, cachées dans des paniers à provisions, en plein jour, en pleine rue.......au nez des occupants ne se méfiant pas de ces gamins.......Incroyable et pourtant.....Je vous embrasse. A  bientôt.

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