•                                       Du haut de ce tilleul...

                                          C'était avant la guerre, par un beau dimanche ensoleillé. Mon père profitait du repos et du beau temps pour cueillir le tilleul. Quoi de plus inoffensif qu'un tilleul... Et pourtant, outre les nombreuses tisanes que ça peut vous aider à faire (et que je n'aimais pas !), il arrive qu'il puisse être utilisé autrement. On ne se méfie jamais assez ! J'avais 16 ans...le bel âge !
                                          
                                           Donc, je décide d'aller rendre visite à une amie et profitant de l'absence momentanée de mon père "perché dans son arbre", je passe par la salle de bains et décide de "faire comme les grandes"! Allez, tout ce qui n'est pas permis est attrayant, et le rouge à lèvres faisait partie de la panoplie "à ne pas utiliser avant.....". Oui, mais ce rouge qui appartenait à ma mère était là, bien tentant, et si je ne craignais pas du tout ma mère beaucoup plus "cool" pour parler jeune, j'avais plus de soucis avec mon père...mais puisqu'il était perché, caché par le feuillage, il ne verrait rien bien sûr...Un petit coup discret sur mes lèvres et à la glace, et me voilà transformée en fille indépendante ! C'était surtout ça qui était important ! Ma mère ne dit rien comme prévu, d'ailleurs, j'avais eu la main excessivement légère...fallait pas exagérer quand même ! Et me voici dans le jardin, passant sous l'arbre...Pourquoi ai-je eu cette idée idiote de prendre un air et un ton désinvoltes et de lancer à mon père (qui ne me demandait rien) "au revoir, je vais chez.... à tout à l'heure". C'était tellement naturel que je lui ai "mis la puce à l'oreille" ! Et la réponse a fusé "Lève la tête et regarde-moi "...Aïe, aïe, aïe...ça devenait scabreux et courageusement, non peureusement, j'ai obtempéré...Et la sentence est arrivée :"remonte à la maison et va enlever ce que tu t'es mis sur la figure" ! Je l'entends encore. La seule solution était l'obéissance, on ne discutait pas un ordre paternel. Ce n'était pas grave, mais si quand même...A ce moment passait devant la maison un jeune voisin, élève de l'École Normale d'instituteurs, et que je trouvais...mon Dieu , assez à mon goût...Mon pauvre petit coeur avait donc bien des raisons de battre et mes larmes commençaient à couler !... de honte ! Et là j'en ai voulu à mon père...et à moi aussi ! pourquoi avais-je été si bête...Interpeller le cueilleur de tilleul n'avait pas été une bonne méthode ! Quand on veut tricher, il est préférable de passer inaperçue....

                                              Cette histoire prouve s'il en était besoin et comme je l'ai déjà dit, que les filles avaient encore beaucoup à faire pour obtenir quelques libertés....Nous les avons eues quelques années plus tard, après bien des soucis qui n'étaient pas de notre âge non plus ! Tout se paie dans cette fichue vie !

    Google Bookmarks

    7 commentaires

  •                                       Un jour sans inspiration....

                                          Aujourd'hui, je ne pensais pas déposer un article sur ce blog. Pas très envie, pas d'inspiration....Autrement dit "un jour sans".... Et voilà que dans un commentaire sur un de mes récents articles, cette question m'est posée : "Vous est-il arrivé de penser au cours des choses, si la guerre n'avait pas eu lieu " ? La réponse est venue , rapide, irréfléchie ? que non pas ! j'y pense souvent !

                                          Tout d'abord, si la guerre n'avait pas eu lieu, je n'aurais pas de souvenirs de guerre à raconter (ça c'est une La Palissade). . Mes souvenirs personnels seraient beaucoup moins intéressants à publier, ceux d'une petite française sans histoire, de sa petite famille, de sa vie toute simple ! Quel intérêt pour le commun des mortels ? Alors que pour les personnes de ma génération, il y a eu  "un avant" et "un après". Notre vie semble avoir été coupée en deux..

     

                                           Si je pense très souvent au cours des choses "si la guerre n'avait pas eu lieu", c'est évidemment en ce qui me concerne ; ma vie aurait sans doute été toute autre. J'aurais continué des études puisque j'avais la chance d'avoir des parents bien décidés à se sacrifier pour mon frère et moi...Ce n'était pas courant à cette époque d'avant-guerre. Mon frère ne serait pas mort à la guerre, notre maison n'aurait pas été détruite et nous aurions pu continuer à y vivre, avec tous les objets qui y auraient été entassés et qui constitueraient des souvenirs "palpables" ... Au lieu de cela, je n'ai rien, que les souvenirs bien enfouis au fond de ma mémoire... Pour ma vie de femme, je n'aurais sans doute pas connu mon mari et j'aurais créé une famille qui ne serait pas celle que j'ai ! Oh ! là là, je sens que je vais trop loin , ça devient compliqué ! Non, rien n'aurait été pareil....Encore que...On dit toujours que "tout est écrit". J'en prends acte .

                                           Et pour nous tous, humains de tous pays ? Quel aurait été le cours des choses ? Les progrès seraient-ils arrivés si vite ? Les guerres précipitent souvent un peu le mouvement... Si, si, si...on en ferait des choses avec des "si" !

                                            Ce qui est certain, c'est que ma jeunesse, de même que celle de mes contemporains, aurait été plus heureuse, moins bousculée, plus normale ! La nôtre ne l'a pas été...Et si je ris souvent, comme tous les gens de cette époque, des inconvénients d'une telle situation, c'est une réaction toute naturelle, simple pudeur. A quoi bon se plaindre, ça n'aurait rien changé et nous aurions eu beaucoup plus de mal à supporter cette vie contre nature. Simple réflexe...de conservation ! Quand il faut vivre malgré tout, faisons le le mieux possible...Je vais citer mon mari, très malade pendant les dernières années de sa vie et qui ne se plaignait jamais. Ses médecins, infirmières et autres aides le trouvaient extraordinaire. Un jour que je lui disais qu'en ne se plaignant jamais comme il faisait, il m'aidait à le soigner, il m'a répondu "Me plaindre ne m'apporterait rien, je ne serais pas en meilleure santé et toi, tu serais plus fatiguée"....Comme notre rire pendant la guerre, c'était la sagesse.

                                            Quel dimanche de réflexions !

    Google Bookmarks

    4 commentaires

  •                                       Que sont-ils devenus ?

                                          Je revois ces jardins publics de ma jeunesse et de celle de mes enfants. Jardin des Plantes, Tuileries, Jardin du Luxembourg, Champ de Mars, d'autres encore. C'était un vrai bonheur pour les enfants et pour les parents aussi, une grande promenade qui commençait soit par le train quand nous habitions en banlieue, soit par l'autobus ou le métro quand nous habitions PARIS. Arrivés dans le jardin choisi, les enfants avaient le droit de courir, gambader et les parents pouvaient se reposer un peu...Des chaises ou des fauteuils en fer forgé vous "tendaient les bras", mais, il fallait payer ! A peine assis, une dame armée d'un carnet à souches s'approchait de vous et suivant que vous aviez adopté chaise ou fauteuil, vous réclamait le montant de la location correspondant. Le prix ? je ne m'en souviens plus exactement....Mais je revois cette dame, jamais bien jeune, qui semblait vous guetter.....il ne fallait surtout pas resquiller ! Elle avait l'oeil et ne vous faisait grâce de rien ! C'était son travail de ramasser l'argent et elle s'en acquittait très bien. Son nom ? la chaisière...Je ne pense pas que ça lui rapportait beaucoup, mais ce métier faisait partie des petits métiers de Paris (peut-être aussi des grandes villes). Et ils étaient nombreux ces petits métiers qui faisaient partie de notre environnement !

                                            Dans les rues, passait le vitrier avec ses vitres sur le dos et il s'annonçait en criant "vi iiiii  trier..."! Lorsqu'un carreau avait été cassé, il fallait l'appeler par la fenêtre.. Il y avait le ramoneur traînant aussi tout son matériel sur le dos et qui sur simple demande, montait également chez vous pour ramoner la cheminée pour un prix modique...Pas besoin de téléphoner huit jours à l'avance pour prendre rendez-vous. Il suffisait de guetter les uns ou les autres, en prêtant l'oreille... Et le rémouleur se manifestait aussi, poussant sa meule et vous proposant d'aiguiser couteaux et ciseaux....Lui avait souvent une corne pour appeler....On les reconnaissait tous. ...Et aussi, il ne faut pas oublier les chanteurs des rues...Chansons à la mode étaient ainsi colportées d'un quartier à l'autre, d'un immeuble à l'autre, pour quelques sous qu'on leur lançait toujours par la fenêtre....C'était vivant la rue...Dès qu'un de ces travailleurs se faisait entendre, les enfants se précipitaient aux fenêtres pour regarder, écouter. Petites distractions pour des petits métiers dont certains étaient très utiles, d'autres agréables quand il s'agissait de musiciens ou chanteurs.

                                            Que sont devenus ces métiers anciens souvent durs et si peu lucratifs ? Y a-t-il encore des chaisières dans les jardins publics ? Je ne crois pas...Tout ça est dépassé...Pour quelques sous, ces ouvriers devaient faire vivre une famille, se loger...ça en représentait des vitres, des cheminées, des couteaux et des ciseaux ! En étions-nous bien conscients ? Il y a maintenant "des petits boulots"...ce n'est pas tout à fait la même chose, même si ça n'est pas plus lucratif...Mais les "petits métiers" des rues de jadis, donnaient vie aux quartiers...C'est sans doute pour ça qu'on est un peu nostalgiques quand on y repense...

                                             On ne peut revenir en arrière, ce serait régresser...Mais n'aurait-on pas un peu "déshumanisé" la vie de tous les jours, au nom du progrès ?

                                       

    Google Bookmarks

    4 commentaires

  •                                       "La lune est là "......

                                          C'était pendant l'été 1944. Nous avions quitté Juvisy par la force des choses, et habitions alors ABLON , petite ville tranquille de banlieue au bord de la Seine. Si la ville était tranquille, nos nuits l'étaient moins...Toujours des bombardements à craindre sur des points stratégiques à ATHIS ,JUVISY,VILLENEUVE-st-GEORGES, ces villes ne se trouvant qu'à quelques kilomètres. Alors, nous avions toujours droit aux alertes . Nous y étions habitués, mais cela nous traumatisait toujours autant ! Nous nous souvenions.... Et quand les sirènes se mettaient  à rugir, nous nous dépêchions de quitter la maison pour aller dans un abri chez un voisin. Nous n'étions peut-être pas plus en sécurité, mais au moins ma mère et moi n'étions pas seules !

                                           Un soir, par un magnifique clair de lune, alerte ! vite, vite, nous nous habillons et quittons la maison. Pas envie d'admirer les bords de la Seine si bien éclairés par la lune. Nous courons, la peur au ventre. Beaucoup d'autres personnes, réveillées comme nous par l'alerte, couraient également sur le quai. Et tout à coup, ma mère s'arrête et me dit "Regarde", et elle se met à rire, vous savez de ce rire qu'on ne peut arrêter, qu'on dit être nerveux...Je regarde et...crise de rire également. Devant nous courait un brave homme, vêtu d'un simple maillot de corps (pas trop long !). Il semblait avoir des ailes, poussé par la peur et serrant fortement contre lui...son pantalon qu'il avait oublié (ou qu'il n'avait pas eu le temps) d'enfiler ! Aucune erreur possible, c'était un homme...Toutes "voiles" dehors, on ne pouvait s'y tromper. ...D'autres personnes, soit par manque de charité ou tout bonnement parce que nous avions besoin de rire pour surmonter notre peur, ont fait comme nous...Tous, pliés en deux, nous ne pouvions plus courir...sauf notre homme qui lui ne pouvait pas s'arrêter....Je ne suis pas certaine qu'il se soit rendu compte de la situation.

                                            C'était un temps où les occasions de rire n'étaient pas courantes...si je peux dire ! On dit que le rire "vaut un bifteck", alors, c'est certain, ce soir-là, nous avions mangé notre ration de viande du mois !

                                            C'était par un si beau clair de lune ! Charles Trenet aurait pu chanter "La lune est là", invisible du soleil comme dans la chanson, mais par nous, si !....

                                         

    Google Bookmarks

    6 commentaires

  •                                       Au rayon des souvenirs ?....

                                          Il y a quelques mois, j'avais dû prendre le Tram; il n'était pas bondé mais il n'y avait pas de place assise, ce qui n'était pas grave...j'allais vers le terminus et je n'avais que six stations à faire. J'entends appeler derrière moi "Madame, madame..." et bien sûr, je me retourne. Un garçon de 15 ou 17 ans se lève de sa place et me dit "prenez ma place", ce dont je le remercie. On a beau se croire encore jeune mais quand vos jambes suivent l'escalade des années, un voyage assis est préférable à un voyage debout, même dans un tram moderne...Et si j'étais contente, j'étais également surprise et très agréablement, il faut bien le dire. Ce n'est plus courant cette offre, surtout venant d'un jeune comme on dit maintenant.

     

                                          Simple petite anecdote qui m'a fait souvenir de phrases et mots employés jadis...Souvenirs d'enfance , Non, pas seulement. Souvenirs d'une époque où les gens se souciaient peut-être un peu plus des autres. Dès l'enfance, on nous apprenait quelques petits mots indispensables au bonheur et à la bonne éducation ! Ces petits mots si simples à retenir : bonjour, bonsoir, s'il vous plaît et surtout le mot magique "merci". C'est un tout petit mot qui peut apporter de la joie...il s'adresse à quelqu'un qui, d'une façon ou d'une autre vous a été utile soit par son dévouement, soit par son savoir, soit par tant d'autres façons ! C'est une reconnaissance...

     

                                          Bonjour, bonsoir, s'il vous plaît,n'ont pas complètement disparu dans les esprits....ils sont devenus très souvent : "jour...bye...à plus...(ou à +), please..."  Il faut abréger, le temps nous est compté. Et enfin, les compliments. En règle générale, ce n'est plus de mode ! Combien de fois nos parents, nos enseignants et ensuite nos patrons nous ont-ils fait des compliments sur notre façon de faire, sur notre travail ! C'était assez courant et très stimulant. On aime que les efforts faits dans un domaine quelconque soient appréciés. Et comment mieux les apprécier  qu'en "distribuant" des compliments? J'ai eu pour ma part des patrons qui me donnaient le punch comme on dit ! Et maintenant, est-ce toujours le cas ?

                                           Où vont se nicher les souvenirs tout de même ! Toutes ces réflexions parce qu'un très jeune homme m'a donné sa place un jour dans le Tram... Et pour finir cette petite histoire pour sourire : Une petite voisine, il y a bien longtemps, vient chez moi me demander un service de la part de sa maman. Elle me dit "Bonjour Madame, excusez-moi si je vous dis merci !..." Nul doute que sa maman lui avait fait la leçon, qu'elle avait biern retenue. Tout y était, mais....dans le désordre ! Mais c'était vraiment mignon....C'était jadis...

    Google Bookmarks

    7 commentaires