•                                       Les réfugiés -


                                          Le sort en était jeté ! en ce dimanche 3 septembre 1939, nous étions en guerre. Rien déjà n'était plus comme avant.  Du pont SNCF de la gare de JUVISY, nous regardions passer tous ces trains de militaires. C'était angoissant. Ma mère est allée très vite s'inscrire à la Croix Rouge et se tenir à disposition. On pouvait avoir besoin de beaucoup de monde... La gare de triage étant très importante, presque tous les trains y transitaient et notamment des trains de réfugiés d'Alsace-Lorraine et du Nord de la France. Tous ces pauvres gens étaient partis très vite de chez eux, avec simplement quelques valises... Des hopitaux et des maternités de ces régions avaient été évacués en partie...Je revois ce spectacle...Je ne sais pas si je comprenais déjà très bien ce qui se passait, tant cela semblait irréel !. Je ne croyais pas une telle chose possible !

                                          Dans un ancien wagon de marchandises désaffecté, la Croix Rouge, aidée par les officiers et soldats en poste à la gare, avait installé provisoirement une "Cantine Militaire", où ceux qui le voulaient et étaient en transit, pouvaient se restaurer un peu et boire café, vin chaud etc...et se reposer quelques heures.  Lorsque les trains de réfugiés stationnaient à JUVISY, les volontaires de la Croix Rouge leur portaient un peu de ravitaillement....La cantine a été, un peu plus tard, installée plus confortablement dans les locaux de la gare centrale, près du bureau du Commissaire de Gare, un capitaine dont j'ai oublié le nom mais que je revois comme si tout s'était passé récemment ....La gare était sous contrôle militaire bien entendu; c'était un point stratégique... Je suis allée un peu avec ma mère pour aider, mais.....elle n'aimait pas trop voir sa fille au milieu de tous ces soldats ! 

                                            Et des "ouvroirs" ont été également installés par la Croix Rouge, ouvroirs dans lesquels nous nous retrouvions pour tricoter chaussettes, gants, pull-overs, le tout en laine de couleur kaki ,destiné à être envoyé sur le front pour les soldats qui subissaient cette drôle de guerre....Quand je repense à tout ça, il me semble que c'était dans une autre vie, une vie "hors circuit"...entre parenthèses...Et pourtant, c'était bien réel... Et les jeunes filles (dont j'étais !) ont pris des cours de secourisme, pour être infirmières au cas où....Les gens se souvenaient de la guerre de 1914 encore si proche ! J'ai appris à faire des pansements, c'est toujours ça ! Toutes les bonnes volontés, et il y en avait, étaient acceptées !

                                             Ce petit retour en arrière décrit une période "à part" de cette guerre qui devait durer six ans....La drôle de guerre, c'est vraiment le terme qui convient.
    Google Bookmarks

    votre commentaire
  •                                      
                                          Le grand jour....


                                          Et voilà. Anaëlle....le grand jour est arrivé, tu es entrée ce matin "à la grande école" ! Ce soir, je ne manquerai pas de courir aux nouvelles ! pas par simple curiosité mais parce que je me souviens de ce jour que j'ai connu il y a si longtemps ! On est encore une petite fille, mais une page se tourne...on quitte la petite enfance.

                                          Toi qui es avide de savoir tant de choses et qui a la chance de "retenir" car tu écoutes avec attention, tu vas être comblée ! Le cours préparatoire...il porte bien son nom celui-là. Il prépare à l'apprentissage de la vie, tout simplement ! C'est là que tu vas apprendre à bien lire, je sais que tu connais déjà les lettres, à compter, à rassembler les idées pour en faire tellement de choses ! je ne peux pas les énumérer ici, tous les jours de ta vie tout ce que tu apprendras maintenant te servira ! Bien sûr, il faudra du temps ! On dit que "PARIS ne s'est pas fait en un jour", ce qui veut dire qu'il faut avoir bien de la patience quelquefois et recommencer les mêmes choses...Mais on y arrive...

                                           Ne crains rien, tout comme les adultes, les enfants ont besoin de se distraire et apprendre ne t'empêchera pas de jouer, bien au contraire ! Apprendre en s'amusant....c'est drôlement bien ! Toi qui aimes l'école, je suis certaine que tu aimeras ce Cours préparatoire qui te fait peut-être un peu peur pour l'instant  (ça, c'est mon petit doigt qui me l'a raconté !!!!!). Apprends de belles poésies que tu me réciteras quand j'irai en vacances...Apprends à faire de beaux dessins....C'est fou tout ce qu'il y a à apprendre !

                                           Quand j'avais ton âge, toutes les semaines, la Directrice ou la Maîtresse distribuaient aux élèves qui travaillaient bien, de jolies croix avec un très beau ruban. On l'accrochait sur son tablier et qu'est-ce qu'on était fière ! Alors, on faisait plein d'efforts pour "avoir la croix" qu'on appelait la croix de satisfaction . Maintenant, je crois que ça ne se fait plus, mais ta récompense tu l'auras en voyant la joie de tes parents lorsqu'ils constateront tes progrès....

                                           Alors bon courage ma chérie et bon courage à tous les petits élèves qui commencent aujourd'hui leur vie de "grands".
    Google Bookmarks

    5 commentaires

  •                                       Du 1er au 3 septembre 1939 -

                                          Quelle époque et quels souvenirs ! Tout le monde est en effervescence ce 1er septembre 1939, nous sentons de plus en plus cette chape de mauvais augure au-dessus de nos têtes. Les troupes d'Hitler viennent d'envahir la Pologne...Mon frère André parti arracher des pommes de terre avec les scouts du collège St Charles de Juvisy, revient précipitamment à la maison...Nous sommes très pessimistes, l'ordre de mobilisation générale est prêt...

                                           Le lendemain, Samedi 2 septembre, c'est le marché à JUVISY, comme tous les samedis. André qui suivait les nouvelles "heure par heure" sort de bonne heure et revient très rapidement nous prévenir que l'ordre de mobilisation générale est affiché un peu partout dans la ville ! tous les hommes sont invités à rejoindre leur unité (enfin, ceux qui n'ont pas encore été rappelés, puisque petit à petit des contingents avaient été mobilisés).

                                           Je ne peux décrire ce que nous ressentons tous. C'est la consternation générale. Jusqu'au dernier moment, "on y croyait " encore un peu...mais pas trop. Les hommes se préparent donc à quitter leur famille, leur maison, leur travail, pour aller vers cet inconnu pas tellement inconnu pour certains qui avaient encore le souvenir de la guerre de 1914/1918....Il y avait 20 ans de cela... La "der des der" avait une suite.... "La fièvre du Samedi soir" n'était pas celle dont on a parlé bien des années plus tard ! C'était un peu un branle-bas de combat dans tous les foyers, peur, tristesse, tout se mêlait. Qu'allait-on devenir ? cette question était posée dans toutes les familles, même dans celles qui n'avaient personne en âge de partir...mais il y avait les voisins, les amis. Peu de foyers avaient le téléphone alors et encore moins de portables....donc discussions dans la rue, par petits groupes. Ah! non, on ne peut pas oublier...La guerre n'était pas encore déclarée, mais il n'y avait plus aucun doute à ce sujet. J'avais un peu plus de 16 ans. Je revois ce samedi avec tous les détails de la journée et de la soirée : mon père faisant des commentaires très pessimistes, ma mère préparant les repas tout en pensant que des repas tous ensemble, il n'y en aurait plus beaucoup...Mon frère discutant beaucoup avec mon père sur l'actualité en général et sur "son"actualité : il attendait le 4 septembre tout proche pour aller s'engager...

                                               Et ce fut ce dimanche 3 septembre au cours duquel nous apprenons, ce qui ne nous surprend pas, que la France et  l'Angleterre déclaraient la guerre à l'Allemagne. Même lorsqu'on s'attend aux pires choses on est catastrophé lorsqu'elles arrivent.... L'incertitude était terminée....Restait à vivre cette longue période qui fut dramatique pour la France et pour tant de familles. Mais ça...on ne s'en doutait pas. C'était la fin de la période de paix, c'était la fin de notre jeunesse.
     
    Google Bookmarks

    votre commentaire